APPROPRIATION DES INNOVATIONS DANS LE TRANSPORT
Automobilité au Danemark.
Pascale BLYTH (Université d’Aarhus / Centre pour les technologies énergétiques -CET)
Benjamin SOVACOOL (Université d’Aarhus / CET)
Le Danemark est souvent présenté comme étant un «pays écologique», ayant intégré une grande part d’énergies renouvelables dans son système énergétique, amélioré la balance des paiements par le subventionnement du développement technologique dans les énergies renouvelables et la promotion des transports non motorisés.
Cependant, même dans des sociétés comme le Danemark engagées à abaisser leurs émissions à effet de serre, la décarbonisation du secteur des transports est restée un problème difficile à résoudre. En 2013, le Danemark comptait seulement 1 274 voitures électriques d’un total de 2 237 122 voitures. 28% sont des véhicules diesel. Les moteurs à combustion ont vu une croissance significative ces 20 dernières années et les prévisions sont à la croissance. Les distances parcourues en voiture sont les plus longues en Europe. Les incitatifs fiscaux pour les voitures électriques prendront fin en 2016. Le covoiturage est peu répandu.
Cet article présente des recherches menées sur l’automobilité au Danemark. En particulier, on y examine comment le covoiturage est perçu au Danemark, y compris les éléments qui influencent l’adoption (et la non-adoption) du covoiturage. En effet, les automobilistes et pendulaires semblent être divisés sur le sujet. Les perceptions négatives incluent le manque de disponibilité; la difficulté à trouver un covoiturage, le covoiturage étant perçu comme étant dangereux ou risqué, ou come source de difficulté dans les rapports sociaux, entre autres; et des perceptions positives incluent les économies par rapport aux transports publics et privés, une plus grande flexibilité des temps de déplacement, et l’opportunité de socialiser avec les occupants du véhicule. Cet article présente également des recherches dans le système énergétique basé sur la technologie au Danemark et son impact sur l’automobilité. Ces points de vue divergents sur le covoiturage et les perspectives sur le système d’énergie nous amènent à conclure que les théories existantes peuvent avoir besoin d’être fondamentalement repensées, à la fois au Danemark et peut-être ailleurs.
MOTS CLÉS : automobilité, électromobilité, transitions énergétiques, covoiturage.
Evaluer l’acceptabilité du véhicule électrique par la méthode des scénarios.
Patricia CHAMPELOVIER (IFSTTAR / Laboratoire Transport et environnement, Bron)
Chrystele PHILIPPS-BERTIN (IFSTTAR / Laboratoire Transport et environnement, Bron)
Lénaic POUPON (Université Lyon 2 / GREPS)
Les résultats présentés sont issus d’une recherche expérimentale, dont l’objectif était d’étudier les facteurs individuels et les conditions pour que les individus substituent leur véhicule thermique actuel par un véhicule électrique. Ce dernier est abordé selon deux aspects : le premier en tant qu’objet au travers de ses caractéristiques fonctionnelles grâce aux réactions à l’issue d’une première utilisation. Le deuxième concerne son usage dans la vie quotidienne et le changement de pratique induit par ses caractéristiques (autonomie limitée, système de recharge) qui sont directement liées à l’énergie utilisée. Il s’agit d’explorer les différents profils des utilisateurs potentiels de véhicule électrique ainsi que les motivations à son usage. Au final sont également abordées les modifications qu’engendreraient en matière de déplacement la possession d’un véhicule électrique.
La méthodologie est basée sur une mise en situation avec un ancrage dans les déplacements habituels et sur une présentation de scénarios de substitution. Il s’agissait de développer une méthode qui fournisse aux non utilisateurs de véhicule électrique, les éléments de contexte nécessaires à l’évaluation des caractéristiques du véhicule (autonomie limitée, charge à domicile, etc..) et des implications de son usage au niveau de la vie quotidienne. Nous faisons l’hypothèse que les individus n’ont pas de conception précise des notions d’autonomie, de durée de charge puisqu’elles ne s’appliquent pas aux véhicules thermiques. Cette méthode a été intégrée dans un entretien individuel semi-directif en 2 phases : une description de l’utilisation du véhicule actuel au cours d’une semaine « classique », et une présentation de scénarios d’usage temporaire puis définitif d’un véhicule électrique.
Les entretiens d’une durée moyenne d’une heure ont été réalisés auprès d’un échantillon de 69 personnes. Toutes, possèdent un permis de conduire depuis plus d’un an et dispose d’un véhicule thermique. L’analyse des entretiens a confirmé le peu de connaissances que les individus ont de la voiture électrique (prix d’achat, fonctionnement, coût d’usage) mais aussi le caractère inaccoutumé des questions que pose son utilisation comme la gestion de l’autonomie et de la charge. Lorsqu’ils se projettent dans une situation d’usage du véhicule électrique, ils constatent qu’une autonomie limitée pose surtout un problème pour les déplacements les moins fréquents et qu’il est possible d’imaginer une nouvelle organisation de leurs déplacements intégrant par exemple la location ponctuelle d’un véhicule thermique. De même, le temps de charge les amène à réfléchir aux périodes où leur véhicule est immobilisé (temps de travail, nuit). Une motivation sociale en relation avec des valeurs pro-environnementales apparaît également, elle est facilitée par les bénéfices individuels liés aux coûts réduits de l’énergie mais aussi la satisfaction de donner une image positive de soi.
MOTS CLÉS : véhicule électrique, acceptabilité, usage, scénario.
Faire rouler les autobus urbains au mélange de gaz naturel et hydrogène : quelle perception des usagers ?
Michel CARRARD (Université du Littoral Côte d’Opale/laboratoire Territoires, Villes, Environnement & Société)
Nicolas DUPUIS (Université du Littoral Côte d’Opale/laboratoire Territoires, Villes, Environnement & Société)
Hervé FLANQUART (Université du Littoral Côte d’Opale/laboratoire Territoires, Villes, Environnement & Société)
Les impératifs de la transition énergétique et de la lutte contre le changement climatique conduisent à expérimenter de nouvelles techniques de production, de stockage et d’utilisation de l’énergie. Néanmoins, les résistances qui, dans un passé récent et de manière récurrente, ont émergé face au déploiement de certaines technologies jugées dangereuses et/ou porteuses de nuisances (éolien, gazéification de la houille, méthanisation des déchets, etc.) montrent qu’il est nécessaire de se préoccuper de l’acceptabilité sociale des innovations. La démonstration programmée dans une agglomération du nord de la France pour l’utilisation d’un mélange de gaz naturel et de dihydrogène dans la propulsion des autobus urbains illustre bien cette contrainte : produire des innovations pour réduire les nuisances environnementales et faire accepter ces innovations par la population.
La production de dihydrogène par électrolyse doit en effet permettre d’utiliser les surcapacités des éoliennes, hydroliennes et autres systèmes de production d’énergie qui ne peuvent s’adapter finement à la consommation, et de cette façon lutter contre le changement climatique et décarboner l’économie. Mais on ne sait rien ou peu de l’acceptabilité sociale de cette technologie, des risques qui lui sont associés dans l’esprit du public.
Aussi le consortium constitué autour de l’ADEME, de la Communauté Urbaine et de Gdf-Suez pour faire rouler une partie de la flotte d’autobus à l’Hythane (80% de gaz naturel, 20% de dihydrogène) a-t-il programmé une enquête d’acceptabilité a priori (avant la démonstration). L’enquête, par questionnaire, s’est déroulée en novembre 2014, auprès de 650 passagers du réseau de transport urbain. La passation, d’une durée de huit à dix minutes, s’est faite en face à face, dans les autobus ou aux arrêts. Le matériau recueilli est en cours d’analyse.
Le questionnaire a été structuré de manière à enregistrer l’image que le public a de l’hydrogène et les éventuelles résistances à son utilisation comme carburant. Il s’agit de repérer ces dernières, de les décrypter et les comprendre : Quelles sont-elles ? Quelles en sont les causes ? Ont-elles des précédents dans l’histoire et des ressemblances avec d’autres hostilités à la technologie ? Quelles catégories sociodémographiques touchent-elles en priorité ? Quels sont les acteurs et les explications qui peuvent les faire diminuer ? Etc.
La communication proposée exploitera le matériau recueilli lors de l’enquête auprès des usagers des autobus pour répondre à ces questions.
MOTS CLÉS : vhydrogène, acceptabilité sociale, nouvelles énergies, risque, perception.
COMMOCLES : Contribution du Management de la Mobilité dans le Choix de Localisation des Entreprises et des Salariés.
Agathe DOUCHET (Université Catholique de Lille/ CRESGE)
Aurélie MONTIGNY (Université Catholique de Lille/ CRESGE)
La recherche COMMOCLES a pour objectif d’analyser l’impact des évolutions de la mobilité sur les choix de résidence ou d’implantation d’activités par les individus et leurs employeurs en prenant comme angle d’analyse, le fait d’avoir ou non été sensibilisé par une démarche de PDE dans le cadre du management de leur entreprise/administration.
Tout d’abord, le projet a permis de faire un état de l’art sur cette question et de rencontrer des professionnels de l’immobilier d’entreprises de la région Nord-Pas-de-Calais pour recueillir leur perception quant à une éventuelle évolution des critères d’implantation des entreprises. La recherche a ensuite consisté à établir un panel d’entreprises « avec » et « sans » PDE (9 établissements au total) pour mener des entretiens auprès des responsables. Enfin, un questionnaire en ligne aux salariés des entreprises sélectionnées dans l’étape préalable fut administré. La recherche montre que globalement les démarches de management de la mobilité relèvent bien de processus d’accompagnement du changement. Leurs effets directs sont difficilement mesurables en tant que tels puisque leurs contributions portent essentiellement sur l’évolution des mentalités, des cultures professionnelles et individuelles nécessaires à la prise de décision, l’anticipation et l’adaptation au changement. Pourtant, préparer les esprits à raisonner autrement pour anticiper, se préparer à changer et expérimenter voire accepter de remettre en cause des acquis ou des habitudes managériales représentent des enjeux majeurs. Les entretiens et résultats d’enquête convergent en effet, vers un rôle important des PDE comme outil de management interne sur ces prises de conscience et ces étapes de remise à plat des réflexions individuelles ou collectives, des acquis professionnels.
MOTS CLÉS : Plan de Déplacement Entreprise (PDE), management de la mobilité, politique publique, accompagnement au changement.
Rôles de l’hydrogène à propos de la conception, de la réalisation et de la réception sociale d’un bateau à passagers.
Dominique PÉCAUD (université de Nantes / Centre François Viète)
L’énergie issue de l’hydrogène présente deux qualités distinctes : gagner en indépendance vis-à-vis des énergies fossiles, réduire les émissions de CO2, même si sa fabrication fait appel à d’autres énergies, renouvelables ou non.
En tant que maître d’ouvrage, la mission Hydrogène rassemble différents partenaires pour concevoir et fabriquer un bateau à passagers en milieu urbain utilisant l’hydrogène comme énergie. En effet, le futur bateau remplacera le bateau actuel pour assurer la traversée de la rivière Erdre à Nantes (France), entre Port-Boyer et Petit-Port Facultés. Il jouera également le rôle d’un démonstrateur. Dans ce contexte, l’Institut de l’Homme et de la Technologie (IHT, école polytechnique de l’université de Nantes) a été sollicité pour analyser deux dimensions du projet. La première concerne la manière dont la conception et la réalisation du bateau imposent des modes de coopération entre les différents partenaires. Il s’agit notamment de comprendre si et comment la prise en compte de l’hydrogène comme énergie influence les formes de coopération. La seconde porte sur la réception sociale du futur bateau auprès d’acteurs comme les passagers actuels ou futurs, les riverains, les associations et clubs utilisant à différents titres la rivière, les pilotes du bateau employés par la société de transports.
Il s’agira de rendre compte d’une première année de travail qui a permis d’esquisser les logiques d’action des différents protagonistes, humains et non-humains, inscrites dans un dispositif socio-technique. Cette analyse définit notamment les représentations que se font les acteurs concernés par l’hydrogène et son usage en termes d’avancée technique ou environnemental, mais aussi de dangers et de risques. L’analyse porte également sur le rôle de la recherche-action sociologique entreprise par l’IHT dans l’avancée du projet, mais aussi dans la capacité à définir les traits d’une innovation sociale dans le domaine de la propulsion par hydrogène.
MOTS CLÉS : hydrogène, coopération, réception sociale, relations entre humains et non-humains, recherche action.
TERRITOIRE ET DÉPLACEMENTS
Quels leviers d’action pour faire évoluer les comportements de mobilité et réduire les consommations d’énergie ?
Sylvanie GODILLON ( géographe, 6t-bureau de recherche )
Gaële LESTEVEN ( géographe, 6t-bureau de recherche )
Anaïs ROCCI (sociologue, 6t-bureau de recherche )
LPour faire face aux externalités négatives de l’usage individuel de la voiture, l’évolution des comportements de mobilité représente un véritable défi pour les pouvoirs publics qui ne peuvent compter sur les seuls progrès technologiques pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et les polluants locaux. Les politiques visant une baisse de l’usage de la voiture font osciller des mesures incitatives (information, sensibilisation, développement de nouveaux services, amélioration de l’offre), et des mesures coercitives (restriction du stationnement, des zones de circulation de la voiture, etc.). Notre communication s’appuie sur plusieurs recherches, études et expérimentations récentes (états de l’art, enquêtes quantitatives et qualitatives) portant sur trois leviers d’action qui participent à cette évolution des comportements : les nouveaux services de mobilité (autopartage, vélos en libre-service, etc.) apparaissent comme de véritables déclencheurs de pratiques multimodales, mais leurs pratiques restent minoritaires ; les mesures de restriction de la voiture dans les centres urbains (limitation du stationnement, péage urbain, etc.) bien qu’efficaces, posent des questions d’acceptabilité sociale et d’équité et ne génèrent pas des changements profonds dans les comportements ; les dispositifs d’accompagnement au changement de pratiques de mobilité (ou outils de marketing individualisé), développés à l’international, accompagnent les usagers par une information personnalisée et l’expérience de solutions alternatives, pour passer des intentions aux actes et réduire leur consommation d’énergie, mais les expériences restent peu développées en France. A travers une analyse transversale sur les enjeux sociaux, environnementaux et économiques de ces leviers, notre communication vise à appréhender dans quelles mesures ils permettent de faire évoluer les pratiques et les représentations des différents modes de transport, en vue de réduire la consommation d’énergie.
MOTS CLÉS : changement de comportement, mobilité, modes partagés, marketing individualisé, mesures coercitives.
De la localisation résidentielle à la consommation énergétique dans le logement et la mobilité.
Mathieu DURAND-DAUBIN (EDF-R&D/Groupe de Recherche Énergie Technologie et Société)
Vincent KAUFMANN (EPFL/Laboratoire de sociologie urbaine)
Emmanuel RAVALET (EPFL/Laboratoire de sociologie urbaine)
Lorris TABBONE (EPFL/Laboratoire de sociologie urbaine)
Les politiques et interventions qui visent à une réduction des consommations énergétiques nécessitent pour être mieux pensées et ciblées une meilleure connaissance des logiques sociales qui sous-tendent la consommation. En s’inscrivant dans cette perspective, cette communication se concentre sur la manière dont la localisation géographique peut jouer (parfois fortement, parfois peu, selon les personnes considérées) sur le lieu où sont réalisées les activités (dans ou hors du logement) et sur les consommations énergétiques associées.
Nous appuyons notre analyse sur une enquête ad-hoc effectuée fin 2013 auprès de 2000 ménages français. Cette enquête nous renseigne sur les activités réalisées, les trajets réalisés et les consommations énergétiques associées. Ces éléments sont complétés par une série de questions plus spécifiques sur le choix de localisation résidentielle, les logiques de choix modal, les équipements à disposition des membres du ménage, et plus généralement les valeurs. Des informations techniques complémentaires ont été collectées sur le logement.
Ces informations ont ensuite été croisées avec des éléments de caractérisation des territoires de résidence des enquêtés.: densités d’emplois et d’habitants, spécialisation économiques et fonctionnelles, position des ménages par rapport à l’aire urbaine, aux pôles urbains, densités et nombre d’équipements primaires, secondaires et tertiaires, distances aux grands équipements (autoroutes, gares, aéroports…), et caractérisation sociale des zones (catégories socio-professionnelles, revenus, taille et structures des ménages…). Cette caractérisation s’est faite à l’aide de bases de données issues de la statistique française comme celle de l’INSEE, du recensement ou encore de la Base Permanente des Equipements.
Notre analyse initiale a mené à la construction d’une typologie des enquêtés basée sur les activités réalisées et les valeurs qui leur sont associées au sein de « modes de vie » consistants. Nous proposons de considérer les choix réalisés à court terme et ceux qui relèvent du long terme, respectivement articulés à l’échelle de la personne et du ménage. Nous étudions ensuite la relation entre ces modes de vie et le territoire de résidence. Nous souhaitons parallèlement insister sur les arbitrages éventuels qui peuvent être fait entre les activités réalisées dans le logement ou à l’extérieur. Nous décrivons finalement dans quelle mesure ces modes de vie, en combinaison avec les territoires de résidence, vont mener à des niveaux de consommations énergétiques spécifiques.
Les résultats permettent de confirmer l’importance de l’espace de résidence dans les marges de manœuvre dont disposent les personnes en matière de consommations énergétiques. Au-delà des critères socio-économiques et démographiques classiques, le territoire de résidence va jouer de manière importante sur la nature des activités réalisés dans et/hors du logement et donc sur les consommations qui y sont liées.
MOTS CLÉS : Consommation énergétique, logement, mobilité, modes de vie, localisations.
Usages de l’énergie et mobilité : une étude des modes de vie résidentiels.
Olivier BONIN (ENPC/Laboratoire Ville Mobilité Transport ; Université Paris Est )
Frédéric DE CONINCK (ENPC/Laboratoire Ville Mobilité Transport ; Université Paris Est)
Margot PELLEGRINO (Lab’Urba, Université Paris Est Marne-la-Vallée)
Nadine ROUDIL (Centre Scientifique et Technique du Bâtiment, Université Paris Est Marne-la-Vallée)
Agir sur la consommation d’énergie liée aux déplacements et au logement implique de connaître et de comprendre l’organisation de la vie quotidienne des individus, l’espace de vie dessiné par les déplacements, leur rapport aux équipements, leur manière d’habiter le logement. Il est en particulier nécessaire de repérer, au quotidien, dans le vécu des habitants, les raisons d’une évolution des pratiques conduisant de manière très largement indirecte et non-intentionnelle à une plus grande ou moins grande sobriété énergétique (évolution de la composition du ménage, évolution de l’offre de transport et de services…).
Cette contribution présentera les résultats d’une enquête qualitative (entretiens semi-directifs) menée en 2013-2014 auprès de 34 ménages de Montévrain et de Bussy-Saint-Georges sur leurs pratiques de mobilité et leurs usages de l’énergie dans le logement. L’analyse de la mobilité est envisagée selon deux points de vue. Dans un premier temps, une vision générale et globale est dégagée, révélant la perception et la géographie des territoires de vie. Cette approche privilégie l’analyse des destinations des déplacements. Elle renvoie à l’idée d’un fonctionnement d’ensemble, à la description d’un « équilibre » dans la pratique quotidienne du territoire. Dans un second temps, l’étude des entretiens se livre à un exercice plus analytique sur les pratiques modales de déplacement. L’accent est mis sur les motivations des habitants quant au choix de leur mode de transport. L’exploitation du volet « consommation énergétique dans le logement » de l’enquête permet de faire ressortir les principaux profils comportementaux et les « difficultés » souvent partagées par tous quand il s’agit de maîtriser les consommations.
Ce travail de recherche fait partie d’une étude plus large menée par le Labex Futurs urbains en collaboration avec l’EPA Marne. Il fera l’objet (décembre 2014) d’une discussion collective sur les résultats et les éventuelles pistes d’aménagement, associant des opérationnels et des professionnels des deux communes à travers la mise en place d’un atelier, dont les conclusions pourront également être présentées lors des JISE 2015.
MOTS CLÉS : modes de vie résidentiels, usages de l’énergie, mobilité urbaine, évolution des pratiques, enquête qualitative et atelier collectif.
Les récits de ville face à la transition énergétique : la fabrication d’une identité métropolitaine à Bordeaux, Cincinnati (USA) et Curitiba (Brésil).
Fanny GERBEAUD (Centre Émile Durkheim/ Laboratoire PAVE, UMR 5116 CNRS /École doctorale SP2 Université de Bordeaux Segalen)
Patrice GODIER (Centre Émile Durkheim/ Laboratoire PAVE, UMR 5116 CNRS /École doctorale SP2 Université de Bordeaux Segalen)
Face au constat unanime d’un changement climatique qui oblige au repositionnement des politiques urbaines, les métropoles affichent au cœur de leurs préoccupations la question de l’énergie et des transports. Or, le terme même de « transition énergétique » revêt des acceptions locales spécifiques, ce qui entraine une large palette d’actions et de visions pour penser le futur des villes.
Afin de comprendre comment la question énergétique vient modifier la pensée et la gouvernance urbaines, nous avons mené une étude comparative internationale sous l’angle de la mobilité à Bordeaux (France), Cincinnati (USA) et Curitiba (Brésil). Chacune illustre un passé et des manières de faire la ville, étroitement liées au contexte socio-économique. Par une analyse des discours, des documents de planification et de presse, mais aussi d’entretiens avec divers acteurs impliqués, nous avons pu déterminer la « mise en récit » des projets de ville et les concepts qui les sous-tendent (multimodalité, équité, etc.). La définition de ces concepts vient en général cautionner les objectifs déterminés par les instances urbaines tout en valorisant les acquis déjà en place : davantage que « révolutionner » les villes en question, il s’agit de convaincre que les projets amorcés et les compétences disponibles permettront d’accéder à un mieux vivre ensemble et à renforcer le rayonnement métropolitain (gage d’attractivité à long terme) en régime de durabilité. L’enjeu énergétique apparait, dans ce cadre, comme un outil propice à l’élaboration de plans urbains à grande échelle.
La compétition inter-métropoles est clairement lisible, avec Bordeaux qui souhaite se hisser au rang de ville durable européenne, Cincinnati, retourner son passé minier en futur économique vertueux, et Curitiba maintenir le cap d’un lien urbanisme/transport longtemps exemplaire et récemment en perte de vitesse. De telles initiatives font logiquement débat auprès des usagers et des acteurs désignés pour leur mise en œuvre. Si la « transition énergétique » justifie la redistribution des marchés – avec l’adoption de technologie de l’information, de transport (métro, tram-train) – elle peut aussi cliver des territoires et pointer des ambitions jugées trop coûteuses. L’innovation technologique, le poids du secteur public et privé sont alors présentés comme déterminants dans la réalisation des programmes métropolitains en matière de transports, cédant davantage de place aux investisseurs privés (Cincinnati), ou renforçant la place des institutionnels experts pour garantir la stabilité politique comme la transparence des projets entrepris (Curitiba).
Dans ce contexte, les politiques publiques cherchent, enfin, à inscrire le changement dans une continuité pour fédérer les usagers autour d’une identité métropolitaine en cours de création. Il s’agit de faire naître un « citadin acteur », responsable ou porteur de l’action sur le territoire dans le but de mieux diffuser le modèle projeté.
MOTS CLÉS : Récit, comparaison internationale, énergie, mobilité, identité métropolitaine.
Dépenses pour l’énergie et stress économique, au croisement entre logement et transport : une étude multinationale.
Giulio MATTIOLI (Université de Leeds/Institut des études en transport)
Dans le contexte britannique, il est désormais commun dans les discussions sur la transition énergétique de considérer la précarité énergétique dans l’habitat (fuel poverty) en sus des objectifs de réduction de la demande d’énergie. Pourtant, la précarité énergétique dans les transports n’a pas attirée autant d’attention, et les relations entre stress économique pour les transports et pour l’habitat ont été peu étudiées. Le débat est plus avancé en France, où les notions de précarité et vulnérabilité énergétique s’appliquent aux deux secteurs. A l’aide d’une revue de la littérature en anglais, français et allemand, nous illustrons comment ces questions ont été mis en relation dans les trois pays. A l’aide d’une analyse secondaire de données quantitatives (enquête budget de famille et EU-SILC), nous proposons une typologie de ménages en précarité énergétique dans les transports qui prend en compte le niveau de privation matérielle et stress économique dans le logement, tout en soulignant les différences et les similarités entre les trois pays. Enfin, nous discutons les implications de ces résultats pour politiques et les scénarios de transition énergétique.
MOTS CLÉS :précarité énergétique, dépenses pour le transport, exclusion sociale, pauvreté, habitat.
Vulnérabilités de mobilité dans les territoires peu denses : le renouvellement des façons de concevoir le soutien à la mobilité du quotidien.
Sandrine DE-BORAS (Docteur en Économie, Mention Transports /Direction Stratégie et Innovation Transdev)
Marie-Hélène MASSOT (Université Paris Est Créteil/Institut d’Urbanisme de Paris)
Si l’étalement urbain est synonyme pour nombre de Français la réalisation d’un projet de vie, soit l’accession à la propriété d’une maison individuelle, il est aussi synonyme de l’émergence de vulnérabilités de mobilité. Définie par une fragilité voire une incapacité des personnes à anticiper ou résister à un aléa, la vulnérabilité d’une personne traduit un niveau d’exposition élevé à un risque lorsque survient cet aléa ; elle appelle en contrepartie une intervention, une assistance, une protection.
Aujourd’hui dans ces territoires de faible densité de peuplement, construits sur une norme de déplacement autonome et rapide, vivent 40% des Français dont une part croissante est concernée par ces vulnérabilités. L’accès aux aménités et l’insertion sociale y exigent en effet le recours à l’automobile, dont l’usage nécessite des ressources économiques et/ou des aptitudes physiques, cognitives dont certains sont faiblement dotés. Ces « absences ou limites de capacité autonome de mobilité» (Orfeuil, 2003 ; Massot & Jouffe, 2013, Mignot & al., 2006), viennent éroder un « droit générique à la mobilité » (Ascher, 2000, 2006), introduire un risque d’exclusion sociale de certains et nuire au dynamisme des territoires. Les enjeux des vulnérabilités de mobilités sont considérables par leurs effets bien qu’ils soient encore mal connus et mal mesurés car multidimensionnels et acquérant
une visibilité rythmée par les évolutions conjoncturelles. Dès lors comment repérer ces vulnérabilités personnelles et territoriales, comment les anticiper et permettre à tous d’accéder aux aménités alors que les finances locales se resserrent et le chômage perdure ?
Ancrée dans ce contexte, notre communication décrit et analyse des solutions de prévention et d’accompagnement des vulnérabilités de mobilité dans les zones peu denses construites dans le cadre d’un travail que nous avons mené en Bourgogne. Ce dernier relève d’une méthode qui participe du management de la mobilité et repose sur une démarche d’innovation collaborative menée dans le cadre d’ateliers créatifs réunissant les acteurs locaux. L’hypothèse explicite de ce travail est que c’est dans cette diversité – de secteurs et d’acteurs – et à cette échelle – le local – que se trouvent les ferments de l’innovation et de l’adhésion aux solutions d’accompagnement de la vulnérabilité de mobilité, parce que construites ensemble. Notre communication rend compte de cette démarche et du développement de l’outil mis au point pour faire émerger des solutions et de ses différents résultats. Les premiers s’expriment au travers d’une présentation de services de mobilités. Les seconds rendent compte de l’évolution des référentiels de l’action publique territoriale
en matière de mobilité, et plus largement des évolutions dans les processus de conception, de mise en œuvre, de gouvernance, mais aussi de financement.
MOTS CLÉS : Vulnérabilité, Mobilité, Action territoriale, solutions de mobilité, référentiel d’action.
Quelles stratégies des ménages en situation de vulnérabilité énergétique face à l’augmentation du prix de l’énergie ?
Anaïs ROCCI (sociologue, 6t-bureau de recherche)
Notre proposition de communication vise à présenter les résultats d’une enquête qualitative portant sur les stratégies des ménages vulnérables pour faire face à la hausse du prix des énergies tant dans la sphère domestique que dans les stratégies résidentielles ou les déplacements quotidiens. Cette enquête a été réalisée par le cabinet 6t dans le cadre d’une recherche financée par le PUCA (agence nationale de la recherche et de l’expérimentation) et menée en partenariat avec l’IAU-Île-de-France. La méthode se base sur des entretiens semi-directifs longs menés en face à face auprès d’une trentaine de ménages en situation de vulnérabilité énergétique vivant dans des communes périurbaines de la région Ile-de-France. Elle comprend également un jeu de simulation prospectif basé sur des illustrations photographiques, visant à appréhender les arbitrages en cas de fortes restrictions budgétaires liées à l’augmentation du prix des énergies. Nous nous intéressons à la vulnérabilité énergétique, qui décrit une « situation de tension » dans laquelle se retrouvent des ménages, et qui peut à court terme conduire à une réelle situation de précarité. La complexité du processus de précarisation énergétique est appréhendée à travers cette double vulnérabilité, du logement et de la mobilité, en analysant les stratégies des ménages dans leur parcours de vie et dans leur quotidien pour s’adapter et faire face aux contraintes budgétaires liées aux évolutions du prix des énergies, aussi bien en matière de consommation au sein du logement (électricité, gaz, chauffage) qu’en matière de déplacement (prix du carburant). Les résultats montrent que si les ménages multiplient les stratégies les plus ingénieuses pour restreindre leurs dépenses en jouant sur les postes flexibles, a contrario, les choix de localisation et les contraintes de déplacements qui en découlent restent des dépenses incompressibles émanant de compromis. Et l’accession à la propriété est une garantie pour limiter les risques à venir.
MOTS CLÉS : vulnérabilité énergétique, déplacements, stratégie résidentielle, adaptation, prix de l’énergie.
Accession à la propriété : peut-on invoquer des critères énergétiques pour comprendre les arbitrages de localisation ?
Joël MEISSONNIER (CEREMA – Direction territoriale Nord-Picardie / Département « Transport-Mobilité », Groupe « Mobilités et territoires » ; IFSTTAR /Équipe de Recherche Associée « Analyse de la mobilité »)
Les Diagnostics de Performance Energétique tendent à objectiver la performance énergétique des bâtiments et produisent une mesure sur laquelle les politiques publiques adossent diverses mesures incitatives (éco-prêts à taux zéro, crédits d’impots, dispositif 1% logement…). Par ailleurs, préalablement à une vente ou à une location, l’évaluation des performances énergétiques des bâtiments a été rendue obligatoire à l’échelle européenne à la suite d’une directive émanant du parlement européen et du conseil sur la performance énergétique des bâtiments (directive 2002/91/CE du 16 décembre 2002). L’affichage en agence immobilière des étiquettes énergétiques du logement ainsi que le versement des DPE au dossier notarié étant réglementaires, la seconde fonction de ces diagnostics est d’orienter les choix résidentiels des ménages vers des logements économes en élevant les dimensions énergétiques au rang de ‘critère’.
L’objet de la communication serait dans un premier temps de questionner cette notion de ‘critère énergétique’, une notion finalement assez peu appropriée pour qualifier le processus d’arbitrage à l’oeuvre chez les accédants à la propriété. En matière de choix résidentiel, n’est-on pas davantage dans un processus de sédimentation de la multitude des désirs que l’on aimerait bien ‘faire tenir’ ensemble ? L’étiquette énergétique ne vient-elle pas réifier l’illusion d’une décision d’achat prise selon des ‘critères’ préexistants, définitifs, en nombre limités, aussi consciemment rationalisés les uns que les autres et objectivement mis en balance ? On sait, depuis les travaux fondateurs d’Herbert Simon poursuivis par ceux de Haroun Jamous ou de Lucien Sfez, que la partie visible d’une décision (un moment, une personne, un ordre…) cache une multitude de négociations ayant nécessité des interactions qui composent ou modèlent « la » décision en amont. Cette décision est moins instantanée, univoque et unipersonnelle qu’il n’y parait. Elle est bien davantage la résultante d’un processus social inscrit dans un temps plus ou moins long.
Notre propos s’appuiera, dans un second temps, sur une enquête menée dans le cadre de la recherche ANR Transénergy. Une quarantaine d’entretiens semi-directifs ont été réalisés avec des ménages en situation d’accession à la propriété. Dans la mesure du possible, nous avons tenté de réitérer ces entretiens à un stade ultérieur du processus d’arbitrage résidentiel de manière à saisir son évolution dans le temps. Cette recherche s’est plus particulièrement intéressée aux stratégies de localisation des accédants à la propriété dans les métropoles françaises de Lyon et Lille. Or ces stratégies alimentent notre critique de la notion de « critère énergétique ». Témoignages à l’appui, on montrera comment la dimension énergétique relative à la mobilité quotidienne engendrée par une localisation donnée est largement noyée dans un processus de résolution de contraintes complexes. Au-delà des deux principaux leviers que sont la localisation et la mobilité quotidienne, les ménages actionnent parfois d’autres leviers (comme la recomposition des routines et des activités pratiquées) ce qui rend l’analyse de cette décision d’achat délicate.
À la fausse évidence d’un arbitrage s’appuyant sur des ‘critères énergétiques’ dont la mesure serait objectivable par des ‘étiquettes’, ne devrait-on pas préférer une politique publique d’accompagnement personnalisé au déménagement plus systématique ? En particulier, ne devrait-on pas se demander comment mieux solliciter les compétences croisées de conseillers info-énergie et de conseillers logement (ADIL) de façon à ne pas contribuer à réduire l’arbitrage de localisation à quelques ‘critères’ réducteurs ; de façon à ce que les navettes quotidiennes de tous les membres du ménages puissent être envisagées dans leur complexité, dans leur diversité, dans leurs temporalités, dans leur degré de pérennité et dans leurs conséquences économiques autant qu’écologiques ?
MOTS CLÉS : Localisation résidentielle, critères énergétiques, mobilité quotidienne, enquête qualitative.
Comprendre les stratégies mises en œuvre par les citoyens concernés par la vulnérabilité énergétique afin de développer des politiques publiques adaptées
Anne-Lise BENARD (démographe, Agence d’urbanisme de la région grenobloise)
Emmanuel BOULANGER (Directeur d’études habitat, Agence d’urbanisme de la région grenobloise)
L’agence d’urbanisme de la région grenobloise, en partenariat avec le Conseil Général de l’Isère et l’Ademe, a lancé une étude sur la vulnérabilité socio énergétique des ménages isérois.
Celle-ci vise à appréhender le phénomène au travers de deux dimensions :
-Une dimension territoriale : où se situent les ménages potentiellement vulnérables ? Combien et qui sont-ils ? Quelles modifications de cette photographie en cas d’évolution plus ou moins forte des coûts de l’énergie ? Quelles actions sont mises en œuvre par les collectivités publiques et associations pour enrayer ce phénoimène ?
-Une dimension sociologie : comment les ménages se représentent les coûts liés à l’énergie ? Quelle perception ont-ils de l’évolution des coûts énergétiques sur le plus long terme ?
La première dimension se base sur des simulations de consommation réalisées à partir des données issues de l’Insee et de Rhône Alpes Energie Environnement.
Elle permet ainsi de repérer les profils de ménages et de territoires étant le plus susceptibles d’être vulnérables d’un point de vue énergétique.
Afin de compléter cette approche, une enquête qualitative questionnant sur la consommation d’énergie des ménages a été lancée. Celle-ci vise à mieux comprendre la perception des ménages vis-à-vis des coûts énergétiques et les stratégies mises en place dans le but de diminuer leur budget énergie tant dans le domaine de l’habitat que des déplacements et ainsi d’augmenter leur reste à vivre.
Une trentaine d’entretiens semi-directifs ont ainsi été menée auprès de ménages propriétaires issus des classes moyennes et habitant dans les secteurs périurbains et montagnards de l’Isère.
Les premiers résultats de ces enquêtes ont permis de mettre en avant la pro-activité des ménages. De nombreuses stratégies sont mises en place afin de réduire les coûts énergétiques tant au sein de leur logement que dans les déplacements.
Certaines de ces initiatives personnelles comme le covoiturage sont même aujourd’hui devenues des pratiques courantes.
Cependant, face à une forte hausse des coûts énergétiques, ces ménages ont le sentiment de ne posséder que peu de marge de manœuvre.
De plus, leur statut de propriétaire associée à une dévaluation probable de la valeur patrimoniale ne laisse place qu’à peu d’alternatives.
MOTS CLÉS : Modes de vie, mobilité, logement, stratégies résidentielles, consommation énergétique, vulnérabilité, enquête qualitative.