TERRITOIRE ET ÉNERGIE : DES « GAGNANTS » ET DES « PERDANTS »?
Biocarburant au nord, famine au sud : un paradoxe de la transition énergétique ?
Sofiane BOUHDIBA (Université de Tunis).
Pour faire face à la crise, les pays les plus riches se sont résolument engagés dans une transition énergétique, en consommant du biocarburant, fabriqué à partir d’huiles végétales. L’initiative est louable, puisqu’elle permet de produire du carburant à faible coût. Elle permet également de poursuivre le processus de développement tout en préservant celui des générations futures, ce qui est le principe même du développement durable. Toutefois, l’utilisation massive de céréales dans certains pays du Nord a fini par déstabiliser les cours sur les marchés internationaux, causant des pénuries et la famine dans les populations les plus pauvres, et en particulier en Afrique.
Comment la production de biocarburant a-t-elle entraîné des émeutes de la faim à Dakar ? Les Etats-Unis peuvent-ils poursuivre leur course au carburant-soja sans mettre en danger la paix sociale dans les sociétés africaines les plus vulnérables ? Comment peut-on concilier les fonctions nutritive et énergétique des céréales ? Telles sont les questions auxquelles je me propose de trouver quelques éléments de réponse au cours de ma communication.
Ma réflexion se fera en trois étapes. Je commencerai par montrer comment la production de biocarburant, étape majeure de la transition énergétique, est effectivement une solution idéale pour contrer les effets de la crise. J’essaierai ensuite de montrer dans quelle mesure la course aux biocarburants a aggravé la malnutrition et la famine en Afrique. Enfin, la dernière partie de l’article se fera en termes de perspectives, et tentera de proposer quelques recommandations réalistes en vue de poursuivre la transition énergétique et la production de biocarburant sans bouleverser l’équilibre alimentaire en Afrique.
MOTS CLÉS : transition, énergie, biocarburant, Nord, Sud.
Transition énergétique en Algérie, Mythe ou réalité ?
Amina DERRADJI (École Nationale Supérieure des Sciences Politiques /Politiques Publiques, Alger).
L’énergie est le moteur de toute activité humaine, elle est un besoin élémentaire de vie, de civilisation et indispensable au développement des pays.
L’Algérie est une grande surface et une position géographique spécifique, elle possède une variété de ressource énergétique renouvelable et non renouvelable. Depuis l’indépendance, le pays s’est orienté vers l’exploitation des énergies fossiles afin d’assurer son approvisionnement énergétique, mais également pour financer les différents projets de développement. Cette orientation politique a donné lieu à une dépendance économique de plus de 90% aux ressources pétrolière et gazière.
L’exploitation de ces sources épuisables et polluantes impose la recherche d’autres sources durables qui préservent l’environnement. A cet égard, les énergies renouvelables s’imposent comme alternative idéale dans un cadre de développement durable pour l’Algérie qui dispose d’un potentiel important en la matière.
Dans ce cadre, l’Algérie a lancé, en 2009, un programme ambitieux pour l’exploitation de l’énergie solaire afin de substituer le pétrole et le gaz.
Cette transition de la politique énergétique pourrait-elle substituer les besoins énergétiques de la population et assurer le financement de l’économie algérienne comme c’était le cas après l’indépendance (pour la politique précédente) ? Quelle sont les défis que confrontent cette nouvelle orientation ?
MOTS CLÉS : Algérie, Énergie fossile, Énergie solaire, politique énergétique, Transition énergétique.
La transition énergétique et sociotechnique : l’exemple des bio-raffineries comme mythologie positiviste.
Julie GOBERT (UTT/CREIDD).
Sabrina BRULLOT (UTT/CREIDD).
L’une des suppositions qui commence à prévaloir dans les politiques publiques locales et nationales se base sur la constatation que la technique et l’ingénierie ne sont pas les seuls ressorts de la transition énergétique (Labussière, 2012 ; Rumpala, 2012) et n’en constituent pas les freins principaux. De nouveaux enjeux organisationnels, de nouvelles configurations de réflexion, d’expérimentation et d’action entre acteurs se mettent en place, en même temps que certaines parties prenantes émergent de plus en plus. Assiste-t-on pour autant à l’émergence de nouveaux collectifs, de nouvelles formes de gouvernance ou constate-t-on seulement une ré-appropriation d’un enjeu sociétal par ceux qui détiennent les clés de décision et d’action sur les territoires ?
Suite à un travail mené dans le cadre de l’Institut de la transition énergétique PIVERT d’une part, des conclusions ayant émergé du projet FASE (financé par la région Champagne-Ardenne), nous souhaitons illustrer notre réflexion au travers du système socio-technique « bioraffinerie ». Cette focalisation nous permet de ré-interroger le mythe d’une évolution industrielle et d’une adaptation des territoires et des acteurs sans heurts. A notre sens, bien que les attentes de certains industriels et des collectivités publiques se traduisent en orientations prospectives dominantes (Borup et al. 2006, Levidow et al. 2014), nous assistons à des changements incrémentaux sur différentes arènes, qui obligent à ré-intégrer l’incertitude dans certains raisonnements téléologiques sur la technique (Gras, 2007). Dans le même temps nous sommes amenés à reconsidérer le présupposé d’une reconfiguration profonde des systèmes sociotechniques d’approvisionnement, de production, de distribution (Coutard, 2012), dans la mesure où la stratégie de groupes dominants est de préserver leur capital acquis, en refusant de questionner les choix qui sont effectués ou seulement à la marge.
Il est ainsi intéressant de constater que l’amont agricole ou sylvicole est pris en compte de manière restrictive, que les changements d’usage du sol, de paysage, de services éco-systémiques sont peu caractérisés (Gobert, Brullot, 2013). L’objectif premier est d’obtenir une biomasse de qualité et peu chère, de sécuriser l’approvisionnement au regard de la variabilité des prix et non de structurer des filières locales ou de tisser des liens particuliers.
En outre, les choix visant à développer la transformation de la biomasse via des bioraffineries sont souvent réalisés par des tours de table réduits, même si une superposition des échelles de décision et d’intervention (échelle européenne, nationale, régionale) laisse à deviner une certaine complexité à la fois dans la structuration des « communautés épistémiques » (Haas, 1992:3) promouvant la bioraffinerie et des « communautés de pratique » (Wenger, 1998) (clusters fonctionnant autour de la valorisation des agroressources). Ce qui illustre la capacité de certains territoires et acteurs non dominants à disposer d’une réelle marge de manœuvre et d’expérimentation.
MOTS CLÉS : bioaffinerie, communautés de pratiques, territoires, transition énergétique.
Hydroélectricité et continuité écologique : analyse croisée des conflits et représentations liées à l’environnement et à l’énergie.
Jacques-Aristide PERRIN (Université de Limoges/Géolab).
Des conflits tantôt conceptuels (Loupsans, 2011 ; Bouleau et Pont, 2014) tantôt pratiques (Barreau et Germaine, 2013) naissent à la fois au sein du monde scientifique et des territoires générés par une inadéquation entre les objectifs de la Directive Cadre sur l’Eau (2000) et certains éléments liés au Paquet Climat Energie (2008). Pour donner corps à notre démonstration au cours de la communication, nous prendrons l’exemple caractéristique de la continuité écologique constituée de deux éléments principaux à savoir la liberté de circulation des espèces animales et le bon déroulement du transport des sédiments.
En effet cette notion centrale des projets de restauration des cours d’eau (Morandi et Piégay, 2014), en plus d’être à l’origine de controverses relatives à sa validité dans le champ scientifique et aux critères pour l’évaluer, pose des problèmes aux petits producteurs d’hydroélectricité ainsi qu’aux grandes compagnies à qui sont concédées la gestion des barrages français (Catalon, Projet ESAWADI, 2013). Il s’agit d’analyser cette conflictualité au regard, non pas de la simple conciliation entre respect de l’environnement et production d’électricité, mais bien d’un processus socio-énergétique plus global dont découlent des représentations multiples interactionnelles concernant l’environnement et l’énergie à la source d’un imaginaire socio-énergétique du territoire (Raineau, 2008). Une place importante sera accordée aux acteurs du territoire (EPTB, producteurs hydroélectriques, société civile…) pour comprendre comment les pratiques de chacun modifient les projets initiaux de la politique publique originelle (Fouilleux, 2000) et identifier les conditions de la mise en place d’une éthique d’appartenance au territoire, cadre d’une transition énergétique donnant sa chance au consensus.
MOTS CLÉS : hydroélectricité, DCE, conflictualité, éthique d’appartenance au territoire, principe de subsidiarité.
Les conduites socio-économiques des populations face à la crise de l’énergie électrique à Douala au Cameroun.
Robert TEFE TAGNE (Université de Douala-Cameroun/Laboratoire de sociologie et de Gestion des Ressources Humaines)
Jacques YOMB (Université de Douala-Cameroun/Laboratoire de sociologie et de Gestion des Ressources Humaines)
L’accès à l’énergie électrique est un problème majeur au Cameroun et dans la ville de Douala en particulier. L’objectif majeur de cette recherche est de rendre compte des conduites socio économiques des ménages urbains face à la crise de l’énergie électrique en milieu urbain camerounais. La question centrale de la problématique est la suivante : En dépit du grand potentiel énergétique du Cameroun pour quelles raisons les ménages urbains font-ils face à une crise de l’énergie électrique au point de développer des stratégies parallèles d’approvisionnent parfois non sécurisées ? Le cadre théorique qui est mobilisé dans ce travail accorde une place de choix à l’individualisme méthodologique et au constructivisme social. La méthodologie repose sur une approche qualitative qui valorise l’ethnographie de terrain. Dans une perspective compréhensive, elle traite à partir de l’analyse de contenu, des données à dominance qualitatives collectées à travers des sources documentaires et des entretiens semi-directifs réalisés auprès des ménages et l’entreprise en charge de la distribution de l’énergie électrique au Cameroun. Les résultats montrent que : a) la crise de l’énergie électrique découle d’une mauvaise exploitation du potentiel énergétique du pays et les mauvais choix politiques liés à la gestion de l’entreprise en charge de la distribution. b) plus les délestages persistent, plus les acteurs développent des stratégies pour accéder à l’énergie. c) certaines stratégies sont illicites portant en particulier sur les branchements frauduleux alors que d’autres s’inscrivent dans l’innovation par l’adoption de nouvelles sources d’énergie alternatives comme le solaire.
MOTS CLÉS : Conduites socioéconomiques- Ménages urbains- Crise d’énergie électrique- Mode d’approvisionnement alternatifs, Douala-Cameroun.
ENJEUX ÉNERGÉTIQUES ET STRUCTURATION DU/DES TERRITOIRE(S)
Consommations énergétiques dans le parc résidentiel à horizon 2050 selon quatre scénarios prospectifs distincts.
Amira BENTAHAR (GDF SUEZ/CRIGEN)
L’amélioration de la performance énergétique des bâtiments résidentiels neufs et existants est l’une des préoccupations majeures des politiques en faveur de l’efficacité énergétique. Les instances politiques locales, régionales, françaises mais aussi européennes s’emparent de la question. Le sujet se révèle complexe tant les paramètres influant sur la consommation des bâtiments résidentiels sont nombreux (qualité des bâtiments, comportement des occupants…). Les moyens d’actions sont donc variés : sensibilisation, incitation, obligation… La simulation prospective se révèle être un bon éclairage décryptant l’influence des actions entreprises sur les consommations énergétiques sur le long terme.
Dans ce cadre, le CRIGEN, centre de recherches de GDF SUEZ, a conçu un outil prospectif (« OPERA Résidentiel ») calculant les consommations énergétiques du parc résidentiel français à horizon 2050. Cet outil, basé sur une description détaillée du parc résidentiel actuel, permet d’appréhender l’impact des mesures politiques et des comportements sur les consommations futures du parc. De nombreux paramètres sont pris en compte, comme le taux et types de rénovation ainsi que l’effet rebond après rénovation, le besoin de construction neuve résultant de la structure des ménages, la pénétration des systèmes énergétiques très performants, l’utilisation des équipements domestiques par les ménages…
Le CRIGEN a réalisé un exercice prospectif aboutissant à quatre scénarios distincts d’évolution de l’organisation géopolitique mondiale, de la politique française et des mœurs de la société française. Ces scénarios ont été modélisé de manière quantitative dans l’outil OPERA Résidentiel afin d’étudier leurs impacts sur les consommations du parc de bâtiments en résidentiel.
La diversité des résultats obtenus permet d’appréhender l’influence prépondérante de l’organisation politique et sociétale sur les consommations énergétiques du parc de bâtiment résidentiel.
MOTS CLÉS : prospective,résidentiel, comportements, usages, consommations d’énergie.
Quatre scenarii de coordination infra-urbaine de l’énergie : coopératif, collectivités locales, État prescripteur, grandes entreprises.
Nicolas BUCLET (Université de Grenoble Alpes/UMR PACTE)
Gilles DEBIZET (Université de Grenoble Alpes/UMR PACTE)
Caroline GAUTHIER (Grenoble École de management).
Stéphane LA BRANCHE (Université de Grenoble Alpes/UMR PACTE)
Philippe MENANTEAU (Université de Grenoble Alpes/UMR PACTE)
Patrice SCHNEUWLY (CEA à l’INES/Bourget du Lac).
Des objectifs à long terme de production d’énergies renouvelables ont été fixés. Elles mobilisent des ressources dispersées dans l’espace, dont l’éolien et le solaire qui produisent de façon intermittente. Pour combler les écarts temporels entre la consommation et la production, les politiques nationales et européenne explorent d’une part, la création d’un marché de capacités de production d’électricité prenant le relais des énergies intermittentes, d’autre part l’effacement temporaire de la demande des consommateurs par des incitations économiques et des réglementations.
Dans un schéma où producteurs et consommateurs seront de plus en plus confondus -ne serait-ce par l’obligation de réaliser des bâtiments à énergie positive-, nous posons le problème autrement en proposant une troisième voie : les bâtiments et les mailles fines des réseaux d’énergie pourraient être des lieux de gestion des intermittences de la production et des fluctuations de la consommation. Cette « gestion » ne saurait être prise en charge par un opérateur énergétique unique ; elle suppose au contraire une coordination infra-urbaine de l’énergie co-assurée par les acteurs de la transformation des espaces bâtis et/ou de nouvelles conventions entre ces acteurs.
Les grandes entreprises, les collectivités locales, l’Etat, mais aussi certains mouvements associatifs ou coopératifs expérimentent et tentent de prendre une place centrale au cœur de nouveaux dispositifs de coordination et de co-construction des systèmes énergétiques urbains. Dans le cadre du projet Ecoquartier NEXUS Energie financé par l’ADEME, une équipe pluridisciplinaire a élaboré des scenarii de coordination infra-urbaine de l’énergie se distinguant selon la catégorie d’acteurs s’imposant en tant qu’acteur pivot. La méthodologie est basée sur la notion nœud socio-énergétique : les chaines énergétiques qui distribuent, convertissent et stockent l’énergie dans les espaces bâtis sont constituées par assemblage de systèmes techniques portés par différents acteurs décisionnels.
La communication proposée exposera les scenarii et exposera la méthodologie interdisciplinaire associant les sciences politiques, économiques, technologiques et de l’aménagement et de la gestion.
MOTS CLÉS : réseau d’énergie, ville, assemblage, production distribuée, régulation.
L’énergie, support de la montée en puissance de l’action publique locale.
Marie DEGREMONT-DORVILLE CNRS/Sciences Po/ Centre de sociologie des organisations).
De nouvelles dynamiques s’appliquent au système électrique mis en place au XXème siècle, notamment après la loi de 1946 (Evrard, 2010), et mettent à l’épreuve les logiques autour desquelles il a été construit. Son organisation administrative et technique, ses institutions reposent sur la recherche d’économies d’échelle et un pilotage centralisé (Poupeau, 2008), alors que les effets conjugués de la décentralisation institutionnelle, de la libéralisation du secteur de l’électricité et des politiques environnementales favorisent le développement de politiques locales dans le domaine de l’énergie.
En effet, la libéralisation du secteur permet l’entrée sur le marché de multiples acteurs, dont les collectivités locales ; les politiques énergétiques actuelles soutiennent la production d’énergies renouvelables essentiellement décentralisées, et la maîtrise de l’énergie est par nature réalisée au niveau local. En outre, les collectivités territoriales acquièrent de nouvelles compétences en termes de direction des mix énergétiques et d’intervention dans la maîtrise des consommations.
Cette communication propose de décrypter la réorganisation des niveaux et des modalités d’intervention que ces politiques entraînent et montre qu’en structurant leur action à l’échelon régional, les collectivités contribuent à définir un nouvel arrangement institutionnel dans lequel elles ont un rôle plus important.
En faisant de l’énergie un enjeu politique soutenant leur revendications décentralisatrices, de leurs actions dans ce domaine un moyen de légitimer leur capacité à assurer le développement des territoires, à rassembler autour d’un projet partagé (Genieys, 1997), en construisant une capacité politique locale (Ritaine, 1997), ce sous l’impulsion de personnalités engagées sur ces enjeux (Nay et Smith, 2002), les collectivités territoriales tentent d’accroître leur influence et leur capacité de gouvernement.
Cette communication repose sur un travail effectué dans le Nord-Pas de Calais en 2013-14 et des analyses bibliographiques approfondies. Elle mobilise des sources primaires écrites mettant en perspective des données représentant différents indicateurs territoriaux. Une quarantaine d’entretiens semi-directifs avec des chargés de missions techniques et des décideurs politiques ainsi que des séquences d’observation participante ont permis de préciser les résultats obtenus. Ceux-ci ont été analysés à la lumière d’études réalisées en amont sur le débat national sur la transition énergétique ainsi que sur la loi transition énergétique mise en débat en 2014.
MOTS CLÉS : Gouvernance, territoires, politiques publiques, énergie, décentralisation.
Les entreprises locales de distribution d’énergie, outils de quelle gouvernance énergétique urbaine ?
Pauline GABILLET (École des Ponts -ParisTech /LATTS).
La mise à l’agenda des enjeux énergétiques conduit à la valorisation de l’échelle locale, et plus particulièrement des villes, du fait de la concentration des consommations d’énergie dans les territoires urbains (Hodson et Marvin 2010; Rutherford et Coutard 2014; Bulkeley, Castan Broto et Marvin (eds.) 2010). Dans ce cadre, certains travaux interrogent la nature de cette interaction entre ville et énergie. Renvoie-t-elle strictement à une mise à l’agenda de l’énergie par les villes (urbanisation) ou observe-t-on une véritable territorialisation énergétique à l’échelle urbaine, c’est-à-dire une recomposition des pouvoirs en faveur des villes (Jaglin et Dubresson 2013; Jaglin et Verdeil 2013; Poupeau 2013) ?
C’est dans la continuité de cette question que nous allons étudier le cas de deux villes françaises disposant d’entreprises locales de distribution (ELD). Depuis plus de cent ans, les villes de Grenoble et Metz sont en effet propriétaires (aujourd’hui actionnaire majoritaire) d’opérateurs énergétiques locaux – respectivement GEG et UEM – qui assurent la distribution d’électricité sur leur territoire, mais aussi de gaz dans le cas de Grenoble et de chauffage urbain dans le cas de Metz. Cette adéquation entre ville et échelle d’organisation des opérateurs apparaît comme un levier majeur de politique énergétique urbaine.
Dans un premier temps, nous analyserons la réalité des marges de manœuvre dont disposent les communes qui possèdent une ELD. La régulation du service public de l’électricité qui s’applique à ces opérateurs locaux reste essentiellement nationale et que les communes ont donc peu de leviers de régulation vis-à-vis de leur opérateur locale. Dans un second temps, en regardant le fonctionnement interne des communes, nous analyserons la manière dont les communes abordent ces outils et leur capacité à les piloter. Ceci nous permettra de caractériser les interactions entre ville et ELD et de voir si l’on peut parler de gouvernance énergétique urbaine.
MOTS CLÉS : entreprises locales de distribution, action publique urbaine, politique énergétique urbaine, système politico-administratif.
Récupérer la chaleur des entreprises pour chauffer le territoire : une conception non-linéaire de la fourniture d’énergie à l’épreuve des dynamiques locales. Les cas de Dunkerque et de Marne-la-Vallée.
Zélia HAMPIKIAN (École des Ponts ParisTech /LATTS).
Au sein des discours officiels promouvant une transition énergétique, l’usage des énergies de récupération (récupération de la chaleur produite par des processus ayant un autre objectif) se trouve encouragé, au même titre que celui des énergies renouvelables, et parfois même de manière prioritaire. Une traduction matérielle en est, en particulier, la mise en œuvre de systèmes récupérant la chaleur dite « fatale » produite par certaines activités d’entreprises privées dont la production d’énergie n’est pas le cœur de métier (industrie métallurgique ou chimique et data centers en premier lieu). Cette énergie, dissipée dans l’atmosphère si elle n’est pas récupérée, est valorisée par une distribution auprès de consommateurs au moyen d’un réseau de chaleur. Une configuration matérielle et organisationnelle inhabituelle apparaît ainsi. Hors, les acteurs impliqués dans de tels systèmes, qu’il s’agisse de l’entreprise, fournisseuse d’énergie de fait, de la collectivité, de l’opérateur du réseau de chaleur ou des consommateurs, entretiennent des rapports au territoire différents et parfois instables, qui sont guidés par leurs intérêts propres. Cette instabilité est en particulier traduite en questions concrètes posées par les acteurs (par exemple, qu’advient-il du système si l’entreprise se délocalise ?), qui incitent à s’interroger sur le fonctionnement sociotechnique de tels systèmes.
Dans cette communication, nous proposons donc de nous intéresser aux jeux d’acteur qui sous-tendent la mise en œuvre de ces solutions énergétiques. Les échanges d’énergie s’accompagnent en effet de flux financiers, d’investissements et d’accords contractuels qui contribuent à créer des relations spécifiques entre les différents acteurs impliqués, n’ayant jusqu’à présent pas fait l’objet d’investigations par la recherche. Elles s’accompagnent pourtant d’une série de questions, qui interrogent directement les enjeux sociaux, politiques et organisationnels des transitions énergétiques, auxquelles nous tentons de répondre : comment les gains et les risques attenants à ces systèmes sont-ils partagés et par quels moyens ? Comment les dynamiques, à la fois économiques, matérielles et organisationnelles qui animent les différents acteurs, et plus particulièrement le fournisseur d’énergie, sont-elles prises en compte ? Quels sont les acteurs impliqués et pourquoi ? Quel rôle jouent les collectivités dans leur initiation, leur fonctionnement et leur pérennisation ? Comment les articulent-elles avec les projets de territoire ?
Pour conduire notre raisonnement, nous nous appuyons sur l’étude approfondie de deux cas français pionniers et contrastés dans leur constitution : la récupération de chaleur sur les fourneaux de l’usine de métallurgie d’ArcelorMittal à Dunkerque, et la récupération de chaleur sur les groupes de froid d’un data center à Marne-la-Vallée, sur la zone d’activités du Val d’Europe. L’analyse conduite repose sur l’exploitation d’entretiens réalisés auprès des acteurs concernés, de documents de littérature institutionnelle ou grise ainsi qu’à valeur juridique.
MOTS CLÉS : énergie de récupération, chaleur fatale, système sociotechnique, Dunkerque, Val d’Europe.
Les expérimentations de réseaux électriques intelligents entre territorialisation et stratégies internationales. Le cas des smart communities japonaises.
Nicolas LEPRETRE (ENS de Lyon/Institut d’Asie Orientale).
Les développements récents de réseaux électriques « intelligents » et d’une production énergétique renouvelable décentralisée témoignent de nouvelles stratégies dans les pays industrialisés (Coutard & Rutherford, 2009). Les systèmes « intelligents » de gestion et de réduction de la consommation d’énergie auraient un impact sur l’organisation des acteurs, avec l’émergence des firmes de nouvelles technologies de l’information et de communication (NTIC), mais aussi des collectivités territoriales dans le secteur de l’énergie. Cette mise à l’agenda local de l’énergie répondrait à des enjeux de revitalisation du territoire mais aussi à des enjeux internationaux, les firmes souhaitant développer des normes internationales. Il convient dès lors de s’interroger sur les formes organisationnelles adoptées par les acteurs locaux pour répondre à ces enjeux multi-échelles.
Si les réseaux intelligents sont encore nouveaux en France, il est utile de regarder les cas étrangers. Le cas japonais, où des expérimentations de « smart communities » sont en places depuis 2010, est révélateur de choix technologiques et de pratiques organisationnelles (Mah et alii, 2013) qui pourraient s’importer en Europe. Une étude comparée de projets dans les villes de Yokohama, Kitakyushu et Toyota et la cité scientifique de Kyoto Keihanna permet de montrer la diversité de modes d’action publique selon les enjeux locaux. En s’appuyant sur un travail de terrain de sept mois et une quarantaine d’entretiens, cette communication tentera de contribuer aux réflexions sur la sociologie de l’énergie à deux égards.
D’une part, nous étudierons le référentiel néolibéral (Poupeau, 2013) et techniciste (Souami, 2009) des acteurs impliqués ainsi que les stratégies internationales, érigeant le boitier communicant comme une solution technologique à privilégier (Klopfert & Wallenborn, 2011). D’autre part, à travers nos cas d’étude, nous analyserons la gouvernance de ces expérimentations, en soulignant l’importance d’enjeux économiques locaux, mais aussi la difficulté de certaines municipalités à se positionner comme acteur de l’énergie. La position ambigüe des compagnies électriques et le rôle structurant de la firme « chef de projet » marginalisant les acteurs comme les associations environnementales, les chercheurs et les habitants seront également étudiés. Cette communication invitera en conclusion à s’interroger sur les limites de la territorialisation des enjeux énergétiques dans le contexte japonais et à proposer certaines éléments de réflexion pour le contexte européen.
MOTS CLÉS : réseaux électriques intelligents, territorialisation, normes internationales, expérimentations locales, Japon.
Les campus universitaires, des territoires en transition énergétique ? Une étude de cas local mise en perspective internationale.
Sophie NEMOZ (Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines/Centre international de Recherches en Economie Ecologique).
A l’heure où les travaux universitaires s’emparent de la question de « la transition énergétique », multipliant les colloques et les publications scientifiques sous ce vocable dans différentes disciplines, notre propos interroge l’action des établissements de recherche et d’enseignement supérieur sur leurs propres territoires. Ce questionnement part concrètement d’une expérience de recherche sociologique menée dans le cadre du projet « Smart Campus ». Lancé en 2012 par l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, le déploiement d’un réseau électrique intelligent promet de connecter localement la production d’énergie renouvelable aux consommations des bâtiments et à celles d’un service d’auto-partage électrique, accessible sur les sites de l’établissement. Si ce dernier vise ainsi à devenir « un laboratoire vivant » de la transition énergétique, il s’avère cependant que l’expérimentation a été ajournée au cours de l’été 2014. En ce qui concerne les changements sociotechniques liés à l’énergie, un tel cas d’étude soulève la question de la pertinence du caractère favorable de l’environnement universitaire.
La recherche d’éléments de réponse à cette question se poursuit aujourd’hui à une échelle internationale. Dans un premier temps, elle permet d’élargir plus en avant la réflexion, en examinant dans quelle mesure les politiques appellent à une territorialisation de la transition énergétique sur les campus. Cette analyse des instruments et des représentations qui circulent à différents niveaux de l’action publique sera ensuite confrontée aux premiers résultats d’une enquête par questionnaire que nous conduisons auprès de plusieurs centaines d’universités à travers le monde. En abordant empiriquement la question énergétique dans leurs pratiques territoriales, cette mise en perspective vise à apporter un nouveau regard sur les compétences décentralisées aux communautés universitaires et sur les enjeux identifiés au travers d’une démarche réflexive.
MOTS CLÉS : universités, politiques énergétiques, pratiques territoriales, monographie locale, enquête internationale.
Les infrastructures toxiques : autoroutes, éoliennes terrestres et le handicap de l’âge.
Cameron ROBERTS (University of Manchester/Institute of Innovation Research)
Miles TEN BRINKE (University of Manchester/Institute of Innovation Research)
Marc HUDSON (University of Manchester/Institute of Innovation Research)
La notion d’handicap de la nouveauté est devenue si commune dans les théories de la transition qu’elle en est considérée, à raison, comme un des principes fondateurs de la discipline. A leurs débuts, les nouvelles technologies ne reçoivent guère de soutien institution et cognitif pour entrer en compétition avec celles qui sont déjà établies. Cependant, une trop grande attention portée à cet aspect conduit à ignorer les manières dont l’âge des technologies en place peut poser problème, tant pour leur propriétaire que pour la société en général. C’est en particulier le cas des technologies nécessitant des infrastructures complexes, en raison de la difficulté d’y affecter des ressources visant à les étendre. Cette difficulté est liée à la diminution un enthousiasme public et privé.
Les infrastructures toxiques sont des infrastructures qui rencontrent une opposition significative, bien qu’elles fassent partie d’une configuration sociotechnique dominante. Dans les premières phases de transition, quand une innovation de niche débute, les acteurs évitent de s’enliser dans des critiques sur le coût ou l’effet de nouvelles constructions sur les communautés locales. Par la suite, quand une technologie innovante existe depuis un certain temps, l’enthousiasme décline, menant au développement de problèmes et de conséquences imprévues de façon spectaculaire et permettant aux opposants au projet de gagner en crédibilité. Cette perte enthousiasme peut affaiblir un régime ou la capacité des acteurs à accumuler des ressources pour étendre leur système.
Cette contribution vise à illustrer le processus par lequel les infrastructures deviennent toxiques, au travers de deux études de cas : les autoroutes et les éoliennes terrestres au Royaume-Uni. A leurs débuts, les autoroutes ont été un sujet de fascination et d’enthousiasme médiatique, avant de se banaliser dans les années 1970.
Elles ont ensuite fait face à une forte opposition politique au cours des années 1980 et 1990. Dans le cas des éoliennes, elles ont été une source d’excitation par leur inclusion dans le futur de l’énergie bas-carbone, pour ensuite voir leur soutien diminuer avec la construction de parcs éoliens et l’augmentation des préoccupations des communautés locales, liées aux aspects esthétiques et financiers. C’est une des raisons de l’orientation britannique pour la construction d’éoliennes en mer.
Ces deux études de cas montrent une dynamique de transition qui peut soit créer des ouvertures pour des innovations de niches soit forcer une auto-redéfinition du système technologique. La conséquence est que l’élan technologique pourrait être difficile à maintenir de manière constante, du moins, au regard des aspects politiques et culturels. Il s’agit ainsi d’une importante considération pour les analyses ex ante, ainsi que pour les études et la gestion des transitions.
MOTS CLÉS : toxique-infrastructure, brin-actifs, de visions, de niche, de régime.
Conditions de mise en œuvre de la transition énergétique dans les projets urbains : analyse des cas Paris Rive Gauche, Clichy-Batignolles.
Charlotte TARDIEU (Université Lille 1/Ecole des Ingénieurs de la Ville de Paris/TVES).
Dans le contexte actuel de renchérissement des ressources énergétiques et de lutte contre le changement climatique, les villes ont un rôle à jouer dans la nécessaire transition énergétique. Les enjeux tant économiques, sociaux et environnementaux soulevés doivent alors être intégrés aux pratiques de production et de renouvellement de la ville. Le projet urbain, en tant qu’action coordonnée et globale sur un territoire donné, représente selon nous une opportunité pour construire des villes économes en énergie et sans carbone. Notre revue de la littérature scientifique a en effet mis en évidence l’existence de leviers urbains et architecturaux pouvant être activés lors d’un projet urbain pour réduire les besoins énergétiques des villes et favoriser le développement du recours aux énergies renouvelables et de récupération.
Nous avons donc choisi d’explorer les pratiques aujourd’hui à l’œuvre en matière d’énergie dans les projets urbains. Nous procédons de manière inductive et comparative à l’étude de trois cas parisiens, Paris Rive Gauche, Paris Nord Est et Clichy-Batignolles, afin de comprendre : Comment est abordée les enjeux de l’énergie dans ces projets urbains ? Par quels acteurs sont-ils pris en charge ? Quelles actions sont mises en œuvre ? Quelles échelles spatio-temporelles sont considérées ? Notre analyse s’appuie sur des entretiens semi-directifs avec les acteurs de ces trois projets urbains, et sur l’ensemble des documents techniques auxquels nous avons pu accéder.
Après avoir décrit comment les enjeux de l’énergie ont été pris en compte dans chacun des trois projets urbains, nous comparons les procédures et les actions qui y ont été mises en place. Cette comparaison des pratiques nous permet d’affirmer que les enjeux énergétiques ne sont que peu ou prou pris en compte lors de la définition de la stratégie d’aménagement. A la vaste échelle du projet urbain, aucun acteur est porteur de ces enjeux et même lorsque des objectifs sont définis – ce qui est rare – ceux-ci relèvent plus du discours politique que de la définition d’une stratégie dont la mise en œuvre pourrait être évaluée. Les actions ciblent majoritairement la demande en énergie des bâtiments, négligeant d’autres économies d’énergie potentielles dans l’éclairage public ou les modes de déplacements par exemple. La performance énergétique du bâtiment est intégrée à une procédure de qualité environnementale relativement classique. En revanche, la question du développement des énergies renouvelables et de récupération amène les acteurs à considérer le territoire non plus comme un lieu uniquement de consommation énergétique mais aussi potentiellement producteur d’énergies. Cette étude conduit à nous interroger sur l’échelle adaptée à la définition et la mise en œuvre d’une stratégie énergétique ainsi qu’à l’acteur le mieux placé pour coordonner cette action.
MOTS CLÉS : transition énergétique, ville, projet urbain, étude de cas, acteurs.
ACTEURS LOCAUX ET TRANSITION ÉNERGÉTIQUE
L’amélioration énergétique de l’habitat des particuliers, un enjeu de coordination des dispositifs existants.
Sylvère ANGOT (École des Ponts ParisTech / LATTS).
Parmi les mots d’ordre de la « transition énergétique », l’amélioration énergétique de l’habitat des particuliers représente un investissement très important des institutions publiques. De nombreux dispositifs financiers ou de planification composent cette politique publique.
Au niveau national, des instruments de politiques publiques ont été lancés par différents ministères. Le Crédit d’impôt développement durable et l’Eco-prêt à taux zéro représentent plusieurs milliards d’euros sur 5 ans, investis par les ministères de l’Ecologie et des Finances en direction des particuliers (Vauglin 2011). S’y ajoutent le programme « Habiter mieux » (500 millions d’euros par an) de l’Agence Nationale pour l’Amélioration de l’Habitat et les Espaces info énergie de l’Agence de l’Environnement et de la Maitrise de l’Energie. La thématique des économies d’énergie présente ainsi un potentiel d’émergence en tant que champ d’action publique que les ministères de l’Ecologie et du Logement cherchent à investir.
Au niveau local, les collectivités territoriales déclinent ces dispositifs (via par exemple les Opérations Programmées d’Amélioration de l’Habitat). Elles mettent aussi à l’agenda cette question et élaborent, souvent avec des partenaires locaux, leurs propres dispositifs d’aides, d’information, d’incitation, de planification ou d’appel à projets, via des Plans Climat-Energie Territoriaux, des Programmes d’intérêt général, des initiatives de Service public de l’efficacité énergétique, etc.
On peut s’interroger sur la coordination de cette diversité de dispositifs. À partir d’une enquête dans deux régions françaises, nous nous intéressons aux conditions de structuration d’un pilotage régional de cette politique émergente par les Directions Régionales de l’Equipement, de l’Aménagement et du Logement (DREAL). Alors que ces services déconcentrés de l’Etat ont été profondément remodelés depuis 2010 (Poupeau 2011), leurs agents doivent se positionner de façon originale comme coordinateurs et réinventer la légitimité de l’intervention de l’Etat sur les territoires. Les DREAL doivent mettre en œuvre ces dispositifs nationaux tout en articulant leur action avec les collectivités territoriales et les antennes locales des agences étatiques (Benamouzig, Besançon 2010). Les Contrats de Plan Etat-Région ou les Schémas Régionaux Climat-Air-Energie peuvent être mobilisés en ce sens.
Notre étude nous amène à montrer : la difficulté à mettre en place une coordination nationale de ces dispositifs pour en faire réellement une politique publique de l’amélioration énergétique de l’habitat ; la difficulté des services déconcentrés à développer de nouvelles compétences professionnelles (notamment de coordination) dans un contexte de restriction important ; la dépendance exacerbée de la mise en œuvre de ces dispositifs à des configurations locales d’acteurs.
MOTS CLÉS : amélioration énergétique de l’habitat, services déconcentrés de l’Etat, DREAL, agences, décentralisation, coordination des politiques publiques.
Transition énergétique en milieu rural : la territorialisation des projets de parcs éoliens en Champagne-Ardenne.
Céline BURGER (Université de Reims Champagne-Ardenne / IATEUR).
Déléguées de plus en plus à l’échelle des collectivités territoriales, les compétences en matière d’énergétique deviennent de véritables enjeux des politiques locales. Face à ces nouvelles compétences et à leurs besoins de s’inscrire dans des politiques d’innovation et d’attractivité, les élus locaux tentent d’insérer les projets d’infrastructures énergétiques dans leurs stratégies de développement local. Les collectivités territoriales se sont révélées de véritables relais des politiques nationales en matière de production énergétique, à l’image de la Région Champagne-Ardenne qui a identifié les énergies renouvelables comme une filière d’avenir répondant ainsi aux engagements suprarégionaux à la fois en matière de transition énergétique et d’innovation. Dans cette Région, les élus locaux ont fortement soutenu le développement de l’éolien ce qui s’est traduit par une implantation massive de parcs, qui amène à s’interroger sur leur territorialisation. En effet, les projets éoliens s’implantant sur des micro-espaces ruraux, la structure de ces espaces se trouve bouleversée par l’arrivée de ces grands projets. On peut s’interroger sur la validité d’un tel développement, en termes de durabilité. La stratégie politique de développement de l’éolien en Champagne-Ardenne répond à des engagements pris à des échelons supérieurs en matière de transition énergétique. Cependant, contrainte par les emboîtements d’échelles et par les relations dissymétriques qui s’exercent entre acteurs, qu’en est-il de l’articulation de cette politique avec la durabilité à l’échelle locale ? La Région développe un modèle de transition énergétique reposant principalement sur le développement de projets éoliens, censés constituer des projets territoriaux durables. Ces projets reposent sur la mise en concertation des acteurs. Cependant, face à la financiarisation croissante des projets d’infrastructures énergétiques et plus largement des projets d’aménagement cette mise en coordination s’effectue à géométrie variable ce qui semble compromettre fortement le processus de transition énergétique à la durabilité.
MOTS CLÉS : transition énergétique, développement territorial durable, gouvernance locale, éolien, territorialisation.
Poids du passé, défis futurs : Temporalités de l’action environnementale dans une ancienne commune minière (Pas-de-Calais, France).
Laure DOBIGNY (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne / CETCOPRA).
Loos-en-Gohelle, commune du bassin minier du Pas-de-Calais, à la fois rurale et urbaine, dense et agricole, met en œuvre un grand nombre d’actions innovantes en matière d’énergie-climat dans un contexte très singulier : celui d’un passé industriel lourd de conséquences tant économiques que sociales, environnementales et urbanistiques. Autoproclamée « ville pilote du développement durable », elle développe depuis 1997 une politique environnementale et sociale ambitieuse, se voulant ville « test » et laboratoire d’innovations. Contrainte à la fois par son passé et par les enjeux énergétiques et climatiques futurs, cette politique locale se caractérise par son inscription dans une temporalité spécifique : celle du (très) long terme, qui rompt non seulement avec les échéanciers politiques classiques, mais surtout avec le développement court termiste que fut celui des houillères.
A travers l’étude de deux projets de réhabilitation actuels, Réhafutur et Loos’Réhab, portant l’un sur la réhabilitation de l’habitat minier (habitat social et patrimonial) aux critères BBC (Bâtiment Basse Consommation) avec des écomatériaux, et l’autre sur la réhabilitation d’un quartier résidentiel privé, héritier du castorat, nous verrons comment différentes temporalités entrent en jeu dans les processus de mise en œuvre politiques, techniques, socio-professionnels et normatifs, les représentations et l’innovation. Les projets émergeants actuellement, sont ainsi non seulement hérités de processus précédents pensés dans le temps long mais sont eux-mêmes construits, non pour effectivité immédiate, mais pour enclencher des processus dont les effets seront perceptibles dans un temps étalé.
Cette construction comme vitrine du développement durable, construction dans et pour le long terme, constitue une contrainte normative dans les projets postérieurs pour rester « ville pilote », et peut être discutée en ce qu’elle tire à elle la couverture régionale en terme d’image, de projets et de financements. Elle se révèle néanmoins une manière efficace de (re)créer des dynamiques locales, à fois économiques, environnementales et sociales, dans une région où ces enjeux sont des défis colossaux.
MOTS CLÉS : Temporalités, habitat minier, patrimoine, réhabilitation, politique environnementale.
La transition énergétique en Nouvelle-Écosse : la modernisation écologique et la sécurité énergétique dans une province canadienne dépendante du charbon.
Anders HAYDEN (Université Dalhousie/Halifax, Canada).
L’ensemble du Canada n’a fait que très peu pour mettre fin à sa dépendance économique sur le carbone, mais certaines provinces canadiennes ont entamé une transition vers l’énergie à faibles émissions de CO2, dont le cas surprenant de la Nouvelle-Écosse. La théorie de la modernisation écologique suggère que l’action sur le climat offre des opportunités économiques gagnant-gagnant. Des dix provinces canadiennes, la Nouvelle-Écosse se range quatrième en émissions de CO2 par habitant et avant-dernière en revenu par habitant. Elle fait donc face à des difficultés particulières quant aux coûts initiaux de la transition vers l’énergie verte. Comment expliquer que la Nouvelle-Écosse ait introduit des politiques relativement fortes en ce qui concerne le climat et l’énergie verte ? Quels opportunités et obstacles clefs la province doit-elle confronter afin d’accomplir ses objectifs ? Cette communication conclut que l’insécurité énergétique de la Nouvelle-Écosse – en particulier, sa vulnérabilité envers la hausse des coûts des importations d’énergie fossile – est un puissant élément motivateur qui contrebalance les autres difficultés de l’argument économique en faveur de nouveaux investissements en énergie verte. Ainsi, la Nouvelle-Écosse se distingue de la plupart des autres provinces canadiennes et ressemble plutôt certains États européens pour qui les questions de sécurité énergétique ont motivé le développement des énergies renouvelables. Cependant, certains obstacles persistent. L’un de ces obstacles est le rôle à double tranchant du souci du public envers la hausse des coûts de l’électricité (qui, d’une part, motive la recherche pour les alternatives aux combustibles fossiles, mais qui, de l’autre, limite la possibilité d’obtenir le soutien pour les coûts initiaux des investissements en énergie verte). La situation requiert une plus large coalition politique, s’étendant au-delà de des grandes entreprises privées afin d’inclure les communautés rurales et côtières. Cette communication est basée sur des entretiens semi-structurés et sur l’analyse de documents provenant d’acteurs au sein du débat sur la politique énergétique de la province, dont des ministères gouvernementaux, des politiciens et partis politiques, des entreprises et des groupes environnementaux.
MOTS CLÉS : modernisation écologique, énergies renouvelables, sécurité énergétique, Nouvelle-Écosse, Canada.
Ville et énergie – un dialogue à mettre en place entre les autorités locales et les acteurs du territoire.
Sylvie LACASSAGNE (Energy Cities)
Stéphane DUPAS (Energy Cities)
En Europe, de nombreuses collectivités locales s’engagent dans des politiques de réduction de leurs émissions à effet de serre, d’efficacité énergétique et de promotion des énergies renouvelables (les trois axes des fameux 3×20).
Dans la pratique, on remarque que certains domaines sont très difficiles à traiter. Les transports, la consommation énergétique des ménages, l’énergie « grise » contenue dans les biens de consommation sont liés à un mode de vie particulier. Ils sont aussi très difficiles à quantifier et c’est là que la résistance au changement semble très forte.
Quels leviers existent pour activer un changement à ce niveau ? Quelles expériences a-t-on pu observer ? Existe-t-il des études permettant d’élaborer des propositions ?
Il est indispensable de revisiter l’approche bottom-up qui irait du niveau des villes vers les niveaux décisionnels étatiques et européens sans prendre en compte les niveaux plus micro comme les individus, les ménages, les entreprises, les associations… Les autorités locales doivent à la fois prendre la mesure des changements nécessaires et être à l’écoute des évolutions et aspirations sociétales.
Les villes ne peuvent agir seules. La collaboration entre niveaux décisionnels apporte des réponses institutionnelles dans le cadre de la gouvernance multi-niveaux. Pourtant, les villes, bien qu’étant l’échelon institutionnel le plus proches des citoyens, restent toutefois souvent, coupées des préoccupations sociétales.
Quels rôles peuvent-jouer les villes pour répondre à ce décalage, impulser de nouveaux modes de gouvernance territoriale où les habitants, les représentants individuels ou organisés de la société civile, occupent un espace de responsabilité pour co-construire et gérer la ville et devenir des acteurs responsables de leur futur?
L’initiative IMAGINE, initiée par Energy Cities, a permis de lance un processus de dialogue dans 8 villes Européennes et de préparer des feuilles de routes Energie 2050 à l’échelle de ces territoires.
MOTS CLÉS : dialogue, ville, acteurs, gouvernance, énergie.
La méthanisation agricole. Analyse d’une filière émergente et dynamiques territoriales.
Elodie MERLE (EDF R&D/Groupe de recherche Energie Technologie et Société)
La méthanisation est une forme de production d’énergie décentralisée émergente, source d’économie circulaire. Encore balbutiante en France, objet d’incertitudes scientifiques relatives à son procédé et de controverses au sein du monde agricole, elle a été récemment stimulée par des politiques publiques nationales telles que le Plan Energie Méthanisation Autonomie Azote en 2013. Elle consiste à fabriquer du biogaz à partir de la dégradation de matières organiques issues du monde agricole.
Notre propos est d’analyser l’émergence de la filière en France et la manière dont elle s’articule aux politiques publiques et aux mouvements sociaux, au regard des jeux d’échelle entre niveaux macro (politiques publiques nationales et communautaires), méso (ce qu’il se passe en régions) et micro (dynamiques locales autour de projets d’exploitants). La présentation s’appuiera sur une étude de terrain menée en Bretagne ainsi qu’un travail documentaire.
La méthanisation divise les acteurs du monde agricole quant à la vocation de ce dernier, qu’elle participe à détourner de sa vocation nourricière, mais aussi les milieux écologistes, partagés entre les bienfaits qu’elle promet en terme d’économie circulaire et la manière dont elle transforme le monde paysan. Si la filière se constitue sur la base d’incertitudes fortes, une professionnalisation semble se mettre en place à la maille régionale autour de l’accompagnement de projets. Sur le terrain, le modèle d’économie circulaire promu par les acteurs nationaux subit un certain nombre d’altérations et les exploitants qui souhaitent s’emparer de cet outil de politique publique top down doivent le réagencer en fonction du contexte local.
MOTS CLÉS : méthanisation- territoires-politiques publiques-filière-économie circulaire.
La mise en place d’un service public pour l’efficacité énergétique, au croisement des politiques locales de l’habitat et des politiques énergétiques.
Françoise REFABERT(Vesta Conseil&Finance)
Loïc AUBREE (Université Catholique de Lilles/CRESGE)
La communication s’appuiera sur les résultats d’une recherche conduite dans le cadre du programme « Lutte contre le changement climatique » initié par l’ADEME et la Région Nord-Pas de Calais, concernant la conception d’un service public de l’efficacité énergétique (SPEE) ainsi que son expérimentation par la Région Picardie.
A partir d’une analyse des freins aux travaux observés chez les propriétaires de logements privés, et pour aller au-delà de la définition d’un tel service dans ses principes, l’objet de la recherche était de travailler à la préfiguration dans un contexte précis, impliquant le choix d’un territoire et d’acteurs acceptant d’entrer dans cette démarche de préfiguration. Il s’agissait, en l’occurrence de Lille métropole, (59) et de la Communauté d’agglomération de Saint-Omer (62) d’une part, de la Région Nord-Pas-de-Calais d’autre part, avec la mise en œuvre du Plan 100 000 logements comme élément de contexte.
En parallèle, la Région Picardie menait sa propre démarche la conduisant à créer le service public de l’efficacité énergétique et une régie régionale pour le développer et l’exploiter, dans un premier temps dans le cadre d’une expérimentation soutenue par le programme Elena de la BEI. Le premier contrat avec un ménage a été signé par la régie régionale du SPEE en juin 2014.
Concomitamment, le SPPE de l’habitat a été introduit dans le Code de l’Energie en avril 2013 et devrait être encore précisé à l’occasion du vote de la Loi sur la Transition Energétique et la Croissance Verte.
Ce type de dispositif développé par les collectivités locales vise à inciter les ménages à réaliser des travaux d’efficacité énergétique ambitieux sur leurs logements et contribuer ainsi aux objectifs de leur politique énergie-climat.
Pour disposer d’une offre attractive aux yeux des ménages ces dispositifs doivent assumer une position d’acteur de confiance, renforcée par le fait que le service se prolonge au-delà des travaux pour suivre les consommations, dans un contexte où les ménages sont le plus souvent démunis en cas de réalisation défectueuse. D’autre part, ils doivent permettre de faciliter l’accès à un financement permettant de concrétiser le projet, ce qui est l’obstacle le plus difficile à traiter.
L’expérimentation sur le terrain montre comment l’approche par le service public permet d’impulser les acteurs. Sans l’intervention des collectivités, le marché de la rénovation énergétique, si morcelé, complexe, tend vers la réalisation de travaux partiels et mal coordonnés, qui ne sont que trop rarement l’occasion de remédier au déclassement énergétique de l’habitat ancien.
Nous proposons d’exposer comment il est possible de construire un modèle économique équilibré, reposant sur une rémunération du service rendu par les usagers, et d’envisager dès lors, de concentrer les subventions publiques sur les publics les plus précaires.
MOTS CLÉS : Efficacité énergétique, rénovation de l’habitat, politiques locales.
L’éclairage public comme révélateur des relations entre administration publique et citoyens.
Yann VUYLSTEKE (Université de Nantes/Centre François Viète)
Dominique PECAUD (Université de Nantes/Centre François Viète)
La communication porte sur les dynamiques d’appropriation des citoyens à propos des questions de consommations d’énergies liées aux éclairages publics. Elle privilégie l’analyse des actions menées au titre des politiques publiques conduites par une grande ville de l’ouest de la France en matière de consommation d’énergie et de réduction des dépenses dans le domaine de l’éclairage public. Parallèlement, elle s’intéresse aux représentations que se font les usagers de l’éclairage public et des consommations d’électricité liées à ce service. Elle établit le dispositif des relations entre les politiques de l’éclairage public, les dispositifs techniques et les comportements des usagers citadins vis à vis de l’action publique locale. L’analyse des interactions au sein du dispositif montre que l’intervention des citoyens reste limitée.
Diverses raisons expliquent ce dessaisissement. L’une porte sur les méconnaissances techniques patentes des usagers concernant l’organisation et le fonctionnement des éclairages publics. Une autre a trait aux configurations sociales et techniques où les usagers n’ont ni la vision de l’éclairage public comme un bien commun, ni la connaissance ni la maîtrise des objets concernés.
Les politiques publiques en matière d’éclairage construisent une définition des espaces publics et de leurs usages, qui influencent les comportements des usagers vis à vis de l’éclairage public. Dans le même temps, l’analyse des comportements supposés des usagers influent sur les actions politiques menées sur les espaces publics, même si les usagers revendiquent directement peu de choses en la matière. Un équilibre s’opère : d’un côté, les usagers, distants et éloignés des décisions concernant les énergies des espaces publics, de l’autre une administration politique, confortée à opérer seule dans ces domaines.
La communication offre de prendre la mesure de la complexité des différentes configurations des politiques publiques, de leurs impacts techniques, politiques et sociaux, accentués par la diversité des acteurs intervenants dans l’ensemble des processus de fonctionnement de l’éclairage public.
MOTS CLÉS : éclairage public, Politiques Publiques, Réduction des consommations électriques, Appropriation des citoyens, Dessaisissement.
INSTRUMENTS DES POLITIQUES PUBLIQUES
Un instrument « débordé à dessein » : vers une relecture de la dynamique des tarifs d’achat pour l’électricité photovoltaïque.
Béatrice COINTE (CNRS/CIRED)
En France comme dans plusieurs pays européens, l’instrument principal du déploiement récent du photovoltaïque connecté au réseau a été le tarif d’achat. Ce type d’incitation économique appliqué au photovoltaïque a provoqué un essor fulgurant des capacités installées, entrainant des difficultés de gestion et de régulation, comme a pu en témoigner le moratoire de décembre 2010 sur les tarifs d’achat photovoltaïques en France.
En s’appuyant sur les travaux de sociologie de l’acteur-réseau sur la mise en marché et sur la mise en politique et sur une analyse de la matérialité particulière des technologies photovoltaïques, cette communication proposera une relecture des tarifs d’achat appliqués au photovoltaïque à partir de trois études de cas. Ces trois cas portant sur différents niveaux d’analyse permettront d’éclairer différents aspects et tensions des tarifs d’achat photovoltaïques comme prix politiques: leur émergence et leur sophistication dans le cadre du développement des politiques européennes des énergies renouvelables ; leur débordement et la crise politique qu’il a entrainé en France entre 2009 et 2012 ; et enfin leur capacité à être saisis comme leviers et transformés en ressources économiques et politiques dans le cas d’un projet spécifique. On montrera ainsi qu’ils peuvent être décrits comme des agencements marchands et politiques visant autant à déployer des capacités de production d’électricité qu’à encourager l’expérimentation autour des technologies photovoltaïques. L’articulation de ce double objectif est d’autant plus délicate à gérer que la modularité des technologies photovoltaïques leur confère une capacité à proliférer et rend leur développement difficile à piloter. Cette relecture suggérera donc des pistes pour analyser la difficile régulation des marchés photovoltaïques actuels.
MOTS CLÉS : tarifs d’achat, photovoltaïque, agencements marchands, innovation, prix politique.
La rénovation énergétique des copropriétés : la construction d’une politique publique vue d’une association de copropriétaires.
Sylvaine LE GARREC (ARC/sociologue).
Représentant plus d’un quart des logements français, la copropriété est un enjeu incontournable des politiques de maîtrise de l’énergie. Cependant, dans ce secteur, les travaux d’amélioration énergétique se heurtent à des difficultés spécifiques. Les projets de rénovation relèvent en effet d’une décision nécessairement collective et les copropriétaires et les syndics n’ont pas d’emblée les compétences suffisantes pour impulser et porter des projets de travaux de grande envergure.
Face à ces obstacles, de nouveaux instruments d’action publique ont été mis en place au niveau national, notamment à travers la création d’aides financières et l’obligation faite aux copropriétés en chauffage collectif de réaliser un audit énergétique. En inscrivant la maîtrise de l’énergie à leur l’agenda, certaines collectivités locales ont également fait naître des expérimentations pour favoriser la rénovation énergétique des copropriétés.
En allant ainsi à la rencontre des problématiques propres à la copropriété, la politique de maîtrise de l’énergie a entraîné l’émergence de nouveaux acteurs et de nouveaux réseaux locaux et nationaux. A l’interface entre le « terrain » et la construction des politiques nationales, ces réseaux contribuent à créer et à diffuser des méthodes innovantes d’accompagnement des copropriétés qui revisitent les pratiques professionnelles, font émerger de nouveaux métiers et questionnent les catégories d’action publique actuellement à l’œuvre au sein de la politique de la maîtrise de l’énergie.
MOTS CLÉS : accompagnement, action publique, copropriétés, habitat, rénovation.
L’utilisation des fonds européens pour le financement de la rénovation énergétique de l’habitat en France.
Laura VANHUE (Consultante indépendante).
La place prépondérante que prend l’efficacité énergétique dans les politiques publiques nationales et européennes oblige à s’interroger sur la capacité des financements publics à traiter les énormes gisements d’économies d’énergie identifiés dans le secteur du bâtiment, et en particulier dans celui du logement du logement.
L’objectif de massification de la rénovation énergétique de l’habitat incite aujourd’hui les acteurs publics à proposer aux territoires des dispositifs visant la structuration d’une offre de service adapté à cet enjeu.
Dans ce contexte, le financement constitue une dimension d’autant plus déterminante qu’il doit garantir l’accès au financement de la rénovation énergétique aux ménages les plus modestes les plus concernés par les risques de précarité énergétique.
Les limites et faiblesses de la plupart des dispositifs et programmes aujourd’hui d’incitation à la rénovation énergétique de leur logement par les ménages ont été clairement mises en évidence:
- Ils sont insuffisants à accompagner le « passage à l’acte » des ménages vers le choix d’un scénario de travaux ambitieux,
- Ils sont dans l’impossibilité de traiter l’augmentation du nombre de dossier dans une perspective de massification,
- L’accompagnement financier est le plus souvent limité aux subventions et rarement étendu à des offres de financement bancaires.
Le développement récent de dispositifs de services intégrés de la rénovation énergétique participe à la mobilisation des acteurs publics dont la valeur ajoutée est notamment :
- d’articuler les différents niveaux d’action national, régional et local mais aussi européen,
- d’avoir un effet levier des aides publiques
- rapprocher l’offre de la demande
- mobiliser la filière de la construction qui sur le segment de la rénovation est surtout constituée par de PME locales
Dans ce contexte l’analyse de l’effet levier des financements européens notamment du fonds FEDER trouve toute sa pertinence. En effet, la rénovation énergétique des logements fait partie des principales priorités de la période de programmation 2014-2020 du Fonds Européen pour le Développement Régional retenues par les Conseils Régionaux. Certaines régions envisagent d’orienter cette ressource vers des instruments financiers dans le but de générer des formes renouvelables de financement et rendre plus efficace le recours aux ressources publiques. L’objectif proposé est la complémentarité des interventions sur les différents segments du parc de logements et l’optimisation des plans de financement en associant prêts remboursables et subventions, dans l’optique de concentrer les aides publiques sur les ménages qui en ont le plus besoin et avec le plus gros effet d’entrainement possible.
MOTS CLÉS : financement, rénovation énergétique, fonds européens, services intégrés, accessibilité.
Modélisation Dynamique des Systèmes de Coûts (MDSC) : une approche sociale de l’économie de la transition énergétique
Clément MORLAT (Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines -UVSQ / Centre REEDS – Recherche en Économie écologique, Ecoinnovation et Ingénierie du Développement Soutenable).
Au-delà des enjeux liés à la disponibilité, à la répartition, et à l’utilisation des ressources et des produits énergétiques par et pour les activités du secteur de l’énergie, des enjeux périphériques (socio-économiques et environnementaux) influent sur la société dans son ensemble. La transition énergétique produit des effets qui intéressent les citoyens, les entreprises, les collectivités et l’Etat. D’un point de vue économique, ces acteurs sont tous – chacun à leur niveau -, à la fois bénéficiaires et financeurs des opérations de transition énergétique. Cependant, deux approches économiques sont en présence. Si la prise en compte des liens intangibles et indirects entre consommations d’énergies, productions de valeurs, environnement et société se fonde sur l’expression des acteurs, une rationalité socio-économique est nécessaire. Mais l’économie utilise par convention des outils comptables et contractuels qui relèvent d’une logique plus normative. La conciliation entre ces deux rationalités pourrait permettre une évolution des cadres économiques susceptible d’améliorer conjointement la rentabilité interne des projets de transition, et les effets socio-économiques et environnementaux de ces projets pour la société.
Dans un premier temps, le papier comparera deux approches économiques de valorisation des effets sociétaux des projets de transition. L’une considère des « externalités positives » dont l’internalisation peut améliorer l’équilibre économique des projets. L’autre considère des avantages sociaux, économiques et environnementaux dont une « coproduction » peut être contractualisée entre les acteurs du territoire et les porteurs du projet. Dans un second temps, le papier s’intéressera au glissement qui s’opère entre ces deux approches, c’est-à-dire depuis une valorisation transitive et agrégative au niveau local, vers une contractualisation des performances structurelles et fonctionnelles d’un système sociotechnique de production constitué à l’échelle du territoire. Enfin, le papier présentera la Modélisation Dynamique des Systèmes de Coûts (MDSC) qui permet de représenter les flux d’informations et de capitaux utiles à la reconnexion socio-économique entre filière énergétique et territoires. Le papier illustre le fait que l’information économique doit conserver en elle les représentations que se font les acteurs de la valeur des projets de transition, en intégrant des données sociétales dans une information économique multicritère, au lieu d’agréger ces dernières dans un signal financier.
MOTS CLÉS : transition énergétique, économie Sociale, économie de fonctionnalité, économie circulaire, comptabilité.
Transformation de la fiscalité des carburants : transition énergétique ou fiscale ?
Marianne OLLIVIER-TRIGALO(Université Paris-Est/LVMT).
Le PLF 2014 a introduit une composante carbone dans la TICPE. Après plusieurs échecs de l’introduction d’une contribution climat énergie sur les énergies fossiles (2000, 2009), le vote discret de cette mesure donne l’occasion de s’intéresser aux « pilotes invisibles de l’action publique » (Lorrain, 2004) et de tester l’hypothèse selon laquelle les transformations des politiques publiques sont davantage perceptibles à travers leurs instruments que leurs objectifs. Ici, la transformation de l’instrument fiscal sur les carburants met en lumière les balbutiements d’une politique environnementale appliquée au secteur routier. Cette dernière s’appuie sur la solidité d’une politique fiscale éprouvée (la TIP a été instaurée en 1928 pour organiser la raffinerie ; le choix ancien de taxer la consommation a été conforté par la suite avec l’instauration de la TVA en 1954), dans un contexte où les dépenses publiques sont érigées en problème politique que les instruments de recettes viennent résoudre en partie.
Ce résultat peut être assez directement attribué aux travaux du Comité pour la fiscalité écologique institué le 18 décembre 2012 (par la ministre Delphine Batho) à la suite de la première Conférence environnementale et présidé par Christian de Perthuis (professeur d’économie à Paris-Dauphine, Chaire Économie du Climat). Mais, cette mesure ne correspond que partiellement aux travaux du comité et aux recommandations endossées par son président. Ce dernier, en effet, avait proposé de transformer la structure de la TICPE en adjoignant à la composante carbone un mécanisme de rapprochement de l’écart de taxation entre le gazole et l’essence, au motif que celui-ci ne se justifiait plus au regard d’objectifs environnementaux. Cette dernière mesure fait figure de serpent de mer dans le monde du transport routier mais l’introduction de la composante carbone lui donne un tout début de concrétisation (le taux appliqué au gazole est supérieur à celui de l’essence).
Cette communication propose de revenir sur le processus qui a permis ce rapprochement (au moins partiel), en particulier en mettant en lumière comment les protagonistes ont dû opérer quelques compromis pour ajuster leurs logiques d’action aux formats du Budget, ce dernier ayant la main (technique mais aussi politique) sur la fiscalité. Ces compromis ont notamment porté sur la contradiction intrinsèque à la fiscalité environnementale : rendement et acceptabilité de l’impôt vs incitation au changement de comportement. Les choix opérés pour régler cette contradiction questionnent la transition visée : énergétique ou fiscale ? En effet, la transformation de la TICPE est venue abonder le financement du CICE (annoncé comme une réforme fiscale) avec un taux de la tonne de carbone relativement faible par rapport à des objectifs environnementaux et un rythme d’évolution plus lent que celui souhaité par les ONG environnementales. Dans le même temps, utiliser une taxe existante plutôt que d’instituer une taxe nouvelle a garanti l’introduction d’une fiscalité sur le carbone en France. Celle-ci a bien été reconduite dans le PLF 2015, survivant au comité (le président a démissionné en octobre 2014) et à la succession des ministres de l’Écologie (4 depuis mai 2012).
Cette analyse s’appuie notamment sur une enquête par entretiens semi-directifs réalisés auprès de la plupart des membres du comité (17 personnes interrogées entre avril et septembre 2014), dont la composition reprend le format des groupes du Grenelle de l’environnement (ONG, employeurs, salariés, collectivités territoriales) auquel des parlementaires ont été ajoutés (députés, sénateurs, députés européens). Un binôme étatique (Écologie et Finances) a assuré le secrétariat général du comité. Enfin, le président a associé quelques experts universitaires pour l’aider dans sa tâche d’animation.
MOTS CLÉS : fiscalité écologique, carburants, composante carbone, instrument d’action publique.
STRATÉGIES INDUSTRIELLES ET POLITIQUES PUBLIQUES
Les opérateurs de parcs solaires entre conformation et hybridation au système centralisé français.
Vincent BAGGIONI (Université d’Aix-Marseille/ LAMES)
Aurélien Evrard a montré comment le segment de l’éolien s’est conformé aux modalités de développement centralisées de l’énergie électrique française. Au départ porté par les acteurs de l’Alternative , le développement de l’éolien a dû se plier à l’action conjointe des acteurs politiques et techniques du Secteur (Evrard, 2010). Le nouveau modèle de production massif d’énergie renouvelable (ENR) que dessinent les centrales photovoltaïques (PV) au sol, ou parcs solaires, pourrait connaître le même destin. Ainsi, l’État, après avoir (sur)valorisé cette production au travers de tarifs d’achat élevés, a stoppé brutalement cette politique de soutien, entravant la constitution d’une filière pourtant en voie de structuration (CGDD, 2012 ; Observ’Er 2012). Les opérateurs énergétiques historiques de l’État, ceux que nous appellerons les Grands groupes énergétiques français (GGEF), ont pu, entre temps, investir le marché des parcs solaires français, et s’approprier les technologies, pour structurer une offre compétitive à l’export. Le scénario de l’éolien semble ainsi se répéter.
Mais à l’observation, plutôt qu’une domination par les acteurs du Secteur, la structuration professionnelle du segment des parcs solaires fait apparaître différents modèles de développement. Les difficultés réglementaires et la fluctuation des tarifs d’achat ont participé a trié les acteurs en fonction des difficultés qu’ils ont rencontrées ou des intérêts attendus pour ce type d’investissement. Les GGEF, grâce à leurs attaches territoriales préexistantes, ont préférer les terrains plus faciles à aménager. Ces sites moins sensibles les ont peu mis en contact avec des situations conflictuelles. Ils retirent moins d’apprentissages spécifiques aux centrales PV au sol et maintiennent les pratiques établies lors de la territorialisation de l’éolien. Les PME des ENR, moins familières des territoires démarchés, s’obligent elles à articuler l’aménagement aux spécificités locales et à « ménager » les lieux (Marié, 2005). Cette attention redoublée aux lieux et aux personnes participe de la réduction des conflits pour les nouveaux entrants. Cependant, les trajectoires d’apprentissages des acteurs des ENR différencient les plus anciens, venus de l’éolien, et ceux plus récents créés à l’occasion de l’émergence du PV. La place de la concertation distingue aussi des méthodes d’élaboration avec le public différentes. Mais des convergences de pratiques apparaissent également, indiquant des transmissions, des apprentissages communs. Ils sont possibles dans la mesure où ils partagent des lieux de rencontre et une familiarité de vue sur la place des ENR dans la société (Cointe, 2013).
Là où la fin d’une politique nationale aurait dû signer la fin des centrales PV au sol, ces installations continuent à voir le voir le jour. Et alors que les GGEF quittent le segment des centrales au sol avec la baisse des tarifs d’achat, les PME de l’ENR, en partie issue de l’Alternative, ont continué à investir dans ce type d’énergie dont ils sont aujourd’hui les principaux producteurs. L’autonomisation des PME des ENR s’est accentuée au travers de leur spécialisation dans l’intégration des centrales PV au sol dans des milieux naturels. Pour autant, ces derniers ne sont plus en rupture totale avec le modèle énergétique dominant du Secteur. Des formes d’hybridation, par l’amont ou par l’aval, se sont combinées avec les structures énergétiques centralisées. Les dynamiques de tri et d’apprentissage se sont faites non pas dans la concurrence entre les opérateurs, mais dans la spécialisation sur des types d’espace et leur adaptation. Sous une même infrastructure apparaît en fait différents modes d’aménagement de l’espace et de liens avec les sociétés locales.
MOTS CLÉS : parcs solaires, photovoltaïque, professionnalisation, apprentissages, territorialisation.
Se mobiliser en faveur de l’éolien en mer. Des actions de lobbying à la « simplification » des procédures administratives et participatives.
Nicolas BENVEGNU (Sciences Po Paris/Médialab)
La sociologie des mobilisations a jusqu’à présent principalement concentré ses analyses sur les mouvements sociaux qui se constituent pour faire apparaître une situation comme problématique et qui visent mettre en cause la pertinence ou l’opportunité d’une politique ou d’un projet. Les revendications de type NIMBY (Not in my backyard) sont par exemple devenues des figures incontournables de l’analyse des résistances qui s’expriment au niveau local pour défendre l’intégrité d’un site sur lequel sont projetées les conséquences de l’objet qui est pris pour cible. Cette contribution propose un basculement de perspective en réalisant une sociologie des mobilisations qui s’organisent à différentes échelles pour œuvrer à la réalisation d’un projet. Elle le fait dans le cadre d’une enquête en cours sur la constitution de filières industrielles d’éoliennes en mer en France et au Royaume-Uni. Elle articule ainsi de manière originale trois axes de ces journées : elle s’inscrit en premier lieu au sein de l’axe sur l’engagement et les mobilisations, en développant une critique localisée des dispositifs d’empowerment ; elle le fait en s’ancrant sur une étude socio-économique de la création de filières industrielles d’énergies marines renouvelables, qu’elle décline enfin à travers une série d’éléments qui se rapportent au thème qui porte sur les politiques publiques et le territoire
Le texte propose d’une part de prendre en considération les actions entreprises par les acteurs locaux, aussi bien socio-économiques (chambres consulaires, « réseaux orientés business », syndicats) que politiques (élus locaux), pour démontrer aux pouvoirs publics nationaux et aux porteurs des projets l’attractivité de leur territoire. Il s’agit pour ces acteurs d’apporter la preuve que tout est mis en œuvre localement pour assurer le meilleur accueil et le meilleur déploiement d’un projet de parc éolien offshore, dans un contexte de concurrence entre les territoires. Il poursuit en cela le déplacement d’attention précédemment entamé, de l’étude du NIMBY à celle du PIMBY (Please in my back yard) (Benvegnu, 2014).
L’analyse porte ensuite sur les mobilisations qui interviennent à l’échelle nationale pour faire évoluer favorablement le cadre juridique et réglementaire nécessaire au développement des projets qui constituent une nouvelle filière industrielle. Les industriels et leurs représentants (Syndicat des énergies renouvelables en France, RenewableUK au Royaume-Uni) déploient pour cela des actions de lobbying pour obtenir des pouvoirs publics des garanties qui limitent les risques qui pèsent sur les investissements qu’ils doivent réaliser. A ce titre le projet de loi sur la transition énergétique adopté en France par l’Assemblée nationale le 14 octobre 2014 satisfait un grand nombre de revendications portées par les acteurs économiques du secteur pour « simplifier et clarifier les procédures » (Titre VII du projet de loi). La contribution montre par exemple comment les appels d’offres sur l’éolien en mer lancés par les gouvernements français en 2011 et 2013 vident de leur substance le débat public prévu par le Code de l’environnement, pièce maîtresse de l’information et de la participation du public en France.
Le papier montre enfin que les mobilisations qui assurent un soutien aux projets n’œuvrent pas seulement à la mise en place de conditions favorables au développement de ces derniers, mais trouvent également une traduction dans des dispositifs qui configurent les situations de telle sorte que les résistances locales soient prévenues et soient autant que possible coupées d’appuis institutionnels qui permettraient de les considérer autrement que comme des pathologies locales et éruptives, connotation que porte en elle l’expression fréquemment utilisée de « syndrome NIMBY. »
MOTS CLÉS : filière industrielle, énergies marines renouvelables, mobilisations, lobbying, participation.
L’histoire des hydrocarbures en Argentine, le cas de la compagnie pétrolière YPF ou de l’entreprise nationale, du triomphe néolibéral et de la « récupération » populaire.
Federico U. BIETTI (IDHES-ENS de Cachan)
Cet article est consacré à la présentation de l’entreprise pétrolière argentine YPF (gisements pétrolifères fiscaux) expropriée ou « récupérée » (pour reprendre la terminologie « indigène ») par le gouvernement de l’Argentine en 2012. Nous replacerons la compagnie dans l’histoire de l’exploitation des hydrocarbures et du développement énergétique de l’Argentine. A cette fin, après une présentation générale d’YPF, nous reviendrons plus en détails sur la production, la distribution et la commercialisation des hydrocarbures (de pétrole et de gaz – conventionnel et schiste) ; sur l’administration de la compagnie au long de son histoire depuis sa création en 1922 ; sur la place de la compagnie dans les politiques du développement stratégique de l’économie du pays. Nous analyserons également les différents discours qui ont fait et font encore d’YPF beaucoup plus qu’ « une entreprise » du secteur énergétique : un élément déterminant de la culture socio-économique argentine. YPF représente, dans l’imaginaire social des Argentins, le projet de développement de la génération libérale-nationaliste. En libérant l’Argentine du joug des multinationales occidentales, YPF devait garantir « le progrès moral et économique de la nation » et l’autosuffisance en matière d’hydrocarbures selon les termes du premier président de la compagnie, le Général Enrique Mosconi.
MOTS CLÉS : Hydrocarbures, ressources énergétiques, Argentine, entreprises pétrolières, YPF.
Contester la transition énergétique : les influences symboliques et politiques des industries énergo-intensives dans l’élaboration de la stratégie électronucléaire suédoise.
Téva MEYER (Université Paris 8/Centre de Recherches et d’Analyses Géopolitiques)
Alors que la production d’électricité en Suède est presque déjà entièrement décarbonée, l’avenir de l’électronucléaire au sein de la transition énergétique du pays (energiomställning) fait débat. Prohibé par la loi en 1981 le développement de l’énergie atomique a été réautorisé en 2011 par le gouvernement de centre-droit. Aujourd’hui, cette décision est remise en cause par le pouvoir socialiste élu en septembre de cette année. La campagne électorale, durant laquelle l’avenir énergétique du pays a été longuement débattu, a permis d’identifier clairement le système d’acteurs impliqués dans le conflit sur l’utilisation de l’atome civil. Cette observation permet de souligner une singularité de la situation suédoise, à savoir la très forte activité des industries énergointensives (ou Basindunstri) dans le débat, individuellement, ou à travers leurs organisations professionnelles. Ce terme regroupe communément quatre secteurs : l’industrie du bois, la mine, la sidérurgie et la chimie. Cette communication proposera d’interroger leurs rôles et modalités d’actions.
Nous montrerons que l’influence de ces industries prend des formes multiples. En tant qu’acteurs intéressés, les énergointensifs tentent de diriger directement le processus législatif par un travail de lobbying réalisé par les différentes associations qu’elles pilotent, voire via des réseaux de pouvoir au sein des milieux politiques. Ceci fera l’objet de la première partie de cette intervention. Mais leur plus grande influence semble être indirecte. Considérées comme consubstantielles de la construction de la Suède moderne, les Basindustri jouissent d’un pouvoir symbolique puissant auprès des responsables politiques. Leur activité, liée à l’existence d’une énergie en quantité et peu chère, serait garante de l’État-providence. De plus, alors que les habitants du pays se concentrent sur la bande côtière méridionale, les Basindustri sont implantées dans des communautés peu peuplées, voire en déprise démographique. Leur existence est perçue par certains acteurs politiques comme vitale pour le maintien d’une population sur l’ensemble du territoire national. Ainsi, plus que grâce à leurs actions directes, l’influence des énergointensifs semble reposer sur les représentations, historiquement et géographiquement construites, que les décideurs politiques ont d’eux. Ces recherches constitueront une seconde partie de l’étude
Cette communication reposera sur une étude de terrain réalisée entre février et juillet 2014 ayant donné lieu à une quarantaine d’entretiens ainsi que sur un corpus cartographique inédit.
MOTS CLÉS : conflits, nucléaire, Suède, entreprises, représentations.
Le transfert des connaissances d’experts : de la production nucléaire au démantèlement nucléaire en Allemagne de l’Est.
Sergiu NOVA (Université de Budapest/Sociologie et anthropologie sociale)
La société Energiewerke Nord Gmbh (EWN) est aujourd’hui le plus grand joueur qui s’occupe de démantèlement nucléaire sur le marché allemand. Son siège est situé à la mer Baltique, à côté de la ville de Greifswald. L’entreprise se déclare le successeur légal de la centrale nucléaire de Greifswald, la seule usine opérationnelle de ce type dans l’Allemagne de l’Est. À la fin des années 1980, les quatre réacteurs à eau à pression de construction soviétiques couvraient plus de 10% de la demande totale d’électricité du pays. Le plan était d’étendre les capacités à huit réacteurs, en faisant la plus grande usine d’énergie nucléaire dans le monde. En 1989, le réacteur 5 était déjà fini et des tests ont été faits pour le mettre en fonction, tandis que le réacteur numéro 6 était dans sa phase de conception finale. Après la réunification allemande et malgré le fait que toute la région était économiquement dépendante de l’usine, les réacteurs soviétiques ont été considérées comme dangereux par le gouvernement ouest-allemand. Les autorités ont décidé donc de fermer complètement la centrale. EWN, la nouvelle société créée en 1990, immédiatement après la fermeture des réacteurs, devait initialement reprendre le démantèlement de toutes les installations nucléaires de type soviétique de l’ex-RDA, comprenant à ce moment là Greifswald lui-même, une usine expérimentale beaucoup plus petit situé à Rheinsberg et l’ancien Institut de recherche nucléaire du Rossendorf, près de Dresde. Peu à peu, EWN a grandi et a pris d’autres projets de démantèlement à l’intérieur de l’Allemagne (de Karlsruhe et de Jülich).
En outre, EWN est également impliquée dans des projets à l’étranger notamment la central nucléaire d’Ignalina en Lituanie ou le nettoyage du cimetière de sous-marin nucléaire à Mourmansk, Russie). Il est prévu que, grâce à la décision finale du gouvernement fédéral allemand d’éliminer complètement son programme de production d’énergie nucléaire à partir de 2011, EWN va continuer de croître et de se prendre en charge de plusieurs autres projets de démantèlement à grande échelle. Cet essai met l’accent sur une petite parte de cette histoire extrêmement complexe, à savoir sur le développement de l’entreprise du point de vue d’expertise. Il ne sera pas seulement demander qui étaient les gens derrière la création et la croissance des EWN, mais aussi comment sont-ils arrivés dans cette position? Un détail notable est le fait que les principaux acteurs impliqués dans ce processus sont venus de l’industrie nucléaire Allemagne de l’Ouest et en particulier de la société Nukem, que le gouvernement ouest-allemand avait dissous à la fin des années 80, suite à plusieurs scandales de corruption de haut niveau. Par conséquent, mon essai se penchera sur la façon don’t l’ouverture de l’industrie est-allemande a également créé un laboratoire pour mettre sur pied une entreprise qui ne pourrait pas fonctionner de la même manière en Allemagne occidentale.
MOTS CLÉS : démantèlement nucléaire, réseaux d’expertise, le transfert de connaissances, Allemagne de l’Est.