AXES BÂTIMENTS ET MODE D’HABITER
Précarité énergétique en Nord-Pas-de Calais : précarité dans l’habitat et vulnérabilité énergétique globale – étude financée par le PUCA.
Hervé BARRY (Université Catholique de Lille/CRESGE)
Agathe DOUCHET (Université Catholique de Lille/CRESGE)
La recherche se focalise sur les dynamiques d’usage de l’énergie dans le logement et les déplacements. L’objectif est de mieux cerner l’impact du style de vie. Elle débouche sur un modèle analytique organisé en trois pôles : la perméabilité aux normes de consommation ; l’importance de la mobilité géographique ; le repli du ménage sur le logement et / ou ses habitants.
Les 35 ménages interviewés sont répartis dans le modèle en trois pôles. Domine une structuration autour de la « non perméabilité » aux consommations superflues et de la tendance au « repli sur le ménage ». Il n’y a pas de liaison flagrante entre la mobilité et l’une des deux autres variables retenues. Par ailleurs, une corrélation manifeste apparait entre style de vie et indices concrets de vigilance énergétique : les plus vigilants sont plutôt du côté de la restriction (en consommation et mobilité) combiné à un repli sur le ménage.
Des événements biographiques modifient le rapport à l’énergie. Si l’influence du positionnement dans le cycle de vie et la difficulté à payer ses factures est bien repérée, celle de travaux de modernisation et du suivi d’ateliers de conseil en énergie demande encore à être vérifiée.
En matière de mobilité, il ressort que les choix de transport sont peu corrélés à un véritable raisonnement économique. A l’évidence, les ménages ont des marges de manœuvre réduites étant donné leur forte contrainte économique et les déplacements incompressibles.
MOTS CLÉS : style de vie, énergie, consommation domestique, mobilité.
Précarité énergétique: quelle contribution de la Sociologie à l’étude du problème.
Ilaria BERETTA (Università Cattolica del Sacro Cuore)
La précarité énergétique représente un problème encore relativement nouveau dans les agendas politiques nationaux en Europe. À l’exception du Royaume-Uni, qui s’en occupe déjà depuis une trentaine d’années, (Walker, Jour, 2012) d’autres pays européens ont récemment commencé à répondre à cette question (entre autres, Brunner et al., 2012, Dubois, 2012, Tirado Herrero et urgent – Vorsatz, 2010). Dans l’Union européenne, également au cours des dernières années, avec l’annexion de l’Europe de l’Est et le grave problème de la performance énergétique médiocre qui caractérisent le parc de logements en moyenne (Banque mondiale, 2000; Urge – Vorsatz, et al ., 2006; Buzar 2007; Boardman, 2010), la question est de plus en plus importante. Il est à la place des États-Unis, la Chine, la Fédération de Russie, dans les pays en développement et dans d’autres parties du monde, la question est essentiellement traitée (Healy, 2004; Buzar, 2007; Morgan, 2008; projet EPEE 2009).
D’un point de vue conceptuel, la question spécifique de la « pauvreté énergétique » peut être retracée au problème plus général de l’inégalité sociale et les effets redistributifs de la politique au cours des dernières années est d’un grand intérêt au niveau des pays de l’OCDE et l’Union européenne (Commission européenne 2010; Commission européenne, Parlement européen, le Club de Rome, l’OCDE et le WWF, 2009; OCDE, 2011, 2011b; Sen, 1997;. Stiglitz et al, 2009). Cependant, les politiques mises en œuvre à ce jour ont été fragmentaires et pas spécifiquement au problème à la main.
Ce travail peut être un double objectif. D’une part veut aider à sensibiliser sur le problème, encore l’objet d’études d’un petit groupe d’experts; l’autre se demande ce qui pourrait être le rôle joué par la discipline sociologique en traitant le problème.
Le papier est essentiellement divisé en trois parties. Il débutera par une première illustration de la question de la définition donnée au niveau européen n’a pas encore parvenus à un accord sur la terminologie soit à utiliser (la précarité énergétique et la pauvreté énergétique?), Ni sur la signification exacte de l’expression. Il sera ensuite quelques données sur la prévalence du phénomène en Europe et les outils actuellement utilisés pour sa résolution. Enfin, quelques réflexions seront avancées comme une contribution à la discipline de la sociologie pourrait fournir à la fois l’identification d’une définition large et inclusive de la terminologie, il est le choix des solutions les plus efficaces pour résoudre le problème.
MOTS CLÉS : iniquités sociales, effets redistributifs, efficacité énergétique, qualité des bâtiments, soutenabilité urbaine.
Quand la consommation énergétique fragilise les ménages.
Mireille BOULEAU (Institut d’aménagement et d’urbanisme d’Ile-de-France)
LUCILE METTETAL (Institut d’aménagement et d’urbanisme d’Ile-de-France)
Nos modes de vie contemporains sont gourmands en énergie, qu’elle soit consommée pour se chauffer, s’éclairer, mais aussi pour se rendre au travail, faire ses achats, pratiquer des loisirs et avoir une vie sociale. Cette dépendance a un coût, souvent difficilement compressible, sauf au prix de sacrifices quotidiens.
Coût résidentiel , double peine, double vulnérabilité…. En quoi cette approche par la consommation énergétique du quotidien est-elle pertinente ? En quoi permet-elle de compléter nos approches traditionnelles de la fragilité des populations et de chahuter les stéréotypes de la pauvreté ?
La consommation énergétique pèse sur le budget des ménages. Cette dépense, bien que sans commune mesure avec celle du logement, est plus insidieuse. Le contexte de hausse du coût de l’énergie force les ménages à une vigilance croissante, et la forte variabilité des prix suscite l’inquiétude. Optimiser ses déplacements, espacer les vacances, baisser la température du logement, les arbitrages et les restrictions peuvent être multiples. Comprendre ces stratégies permet de mettre en lumière un nouveau risque social, étroitement lié au type d’habitat et à sa localisation.
Selon les indicateurs utilisés et la manière dont ils sont mobilisés, l’analyse statistique dévoile une palette de symptômes et de populations plus ou moins entrelacés. Des profils de ménages différents mais des territoires qui semblent cumuler des signes de fragilité et dessiner une géographie des enjeux de l’action publique. Une enquête qualitative vient compléter cette approche, elle donne à voir la tension et l’exigence quotidienne vécues par les accédants modestes qui, pour conserver leur maison, déploient les stratégies les plus ingénieuses et les plus complexes. Rien ne doit venir enrayer cet équilibre sophistiqué, le risque de basculement est toujours présent. En ayant le sentiment d’avoir adopté des pratiques très restrictives, ces ménages fragiles témoignent d’un certain fatalisme face à une augmentation du prix des énergies.
Plus ou moins assimilés à une catégorie de nantis, les propriétaires occupants du parc individuel échappent aux radars de l’action publique . Pourtant, l’accession à la propriété dans les espaces périurbains ou ruraux, peut s’avérer difficile à assumer pour des ménages modestes, qui ont mal anticipé les coûts inhérents à un mode de vie qu’ils découvrent.
MOTS CLÉS : propriétaires modestes, effort énergétique, restrictions, stratégies, compétences.
Analyse des stratégies individuelles des ménages en précarité énergétique dans leur logement. Témoignages et décryptages.
Isolde DEVALIERE (Centre Scientifique et Technique du Bâtiment Département/Economie et Sciences Humaines)
L’enquête sociologique menée pour le PREBAT auprès de 40 ménages en précarité énergétique a permis d’identifier des stratégies de chauffage différenciées : s’assurer un confort prioritaire et constant quitte à s’endetter, rechercher un confort approximatif à un moindre prix ou subir l’inconfort subi contraint. Nous proposons d’en faire une analyse du contenu afin de mettre en lumière les pratiques domestiques de ces ménages pour mieux appréhender le phénomène.
Nous interrogerons la représentation qu’ils ont du coût des consommations énergétiques qui détermine les arbitrages individuels.
Qu’il s’agisse du mode de réglage du chauffage, de la préparation des repas, de l’usage de l’eau chaude sanitaire et des pratiques de privation, d’aération ou d’obturation des ouvrants qui peuvent être porter préjudice à la qualité de l’air intérieur, nous verrons quelles sont les stratégies de chacun pour trouver un équilibre précaire entre confort thermique et gestion budgétaire et les tactiques palliatives pour lutter contre le froid et l’humidité. L’exploitation des témoignages permettra d’éclairer la façon dont les faibles savoirs techniques sont palliés par la débrouillardise qui favorise une certaine sobriété énergétique.
Nous illustrerons les conséquences de l’inconfort thermique sur plusieurs dimensions : la santé, notamment celle des personnes vieillissantes en quête de « ré-confort » au sortir d’une hospitalisation ou à la survenance d’une maladie, le rapport au logement corrélé à à celui du propriétaire bailleur, et plus largement les relations avec l’environnement social et familial.
Nous verrons enfin quels sont les systèmes de valeurs mis en avant pour justifier de pratiques de consommation restrictives, les normes individuelles et les représentations du confort thermique considéré comme un luxe ou une nécessité, guidées à la fois par un héritage socioculturel, une trajectoire résidentielle singulière, et une installation souvent contrainte.
MOTS CLÉS : précarité énergétique, pratiques domestiques, stratégies individuelles, inconfort thermique, privation de chauffage.
Quand l’énergie vient à manquer » : une fiction pour diffuser des résultats de recherche sociologique sur la précarité énergétique en milieu rural.
Béatrice HAMMER (EDF/R&D / GRETS)
Afin de diffuser par des résultats de recherches sociologiques menées au sein du GRETS dans le domaine de la précarité énergétique, nous avons réalisé un court métrage de fiction.
Ce film a été conçu pour diffuser de l’information d’une façon originale et frappante, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’entreprise. Nous l’avons également utilisé, de façon expérimentale, comme un outil permettant de susciter des réactions de la part de personnes en situation de précarité énergétique.
Le scénario de cette fiction a été co-écrit avec une vingtaine de personnes d’EDF (sociologues, médecins, correspondants solidarité, etc.). Il se déroule en milieu rural, afin de battre en brèche l’idée reçue selon laquelle la précarité énergétique serait un phénomène urbain, et pour évoquer les problèmes de transport qui sont particulièrement prégnants pour cette population.
Nous nous sommes concentrés sur la situation d’une famille de néoruraux, et avons évoqué d’autres types de situations de précarité ou d’autres acteurs au travers des interactions qu’ont les membres de la famille avec leur environnement.
Le film montre comment les problèmes d’énergie peuvent faire basculer des personnes dans la précarité, et met en scène différents mécanismes qui avaient été identifiés lors de l’étude sociologique : abstinence volontaire, isolement des précaires en milieu rural, problèmes spécifiques des personnes qui ne bénéficient pas des aides sociales parce qu’elles sont juste au-dessus des seuils, difficulté à investir dans des équipements économes en énergie, refus de la stigmatisation, non recours etc.
À la fin du film, nous donnons un certain nombre d’informations de cadrage permettant de mettre en perspective ce qui a été présenté dans la fiction avec des données chiffrées.
Nous proposons de présenter le film et de dire quelques mots de la façon dont il est utilisé à l’intérieur et à l’extérieur de l’entreprise. Nous pourrons aussi parler de l’utilisation expérimentale que nous en avons fait, en le projetant dans le cadre d’études par focus groups auprès de populations précaires.
MOTS CLÉS : film, précarité énergétique, sociologie, fiction, milieu rural.
La sobriété énergétique au regard de la restriction dans la consommation énergétique : cas des ménages touchés par la précarité énergétique.
Sihame HINI (Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines/REEDS)
Jean-Marc DOUGUET (Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines/REEDS)
La sobriété énergétique est l’un des enjeux majeurs de la transition énergétique. Pour instaurer la frugalité énergétique, il faudra travailler sur les innovations et l’efficacité des matériaux d’une part mais il faut aussi travailler sur le changement des comportements et révolutionner les modes d’habiter d’autre part. Souvent nous traitons cette problématique d’une façon très restreinte, pour beaucoup la sobriété énergétique se limite seulement à économiser et à réduire la consommation des ménages. Pourtant, il y a une classe de population qui ne consomme presque pas d’énergie, la plupart des ménages touchés par la précarité énergétique prennent le chemin de la restriction et se voient dans l’obligation de faire un choix entre le loyer et/ou la nourriture d’un côté, et la consommation énergétique de l’autre côté. Les initiatives à l’égard de la sobriété énergétique doivent prendre en compte cette catégorie de ménages qui se trouve dans une situation de vulnérabilité extrême et qui ne consomme cependant pas assez pour mener une vie adéquate.
La maitrise de l’énergie ne peut pas toujours faire preuve de réduction. Dans cet article et grâce à la méthode systémique nous allons montrer que la consommation énergétique doit faire preuve d’utilité. Les différences au niveau des classes socio-économiques, de la qualité thermique des bâtiments ainsi que l’organisation de chaque ménage font de la consommation un enjeu d’injustice, l’équité doit être au cœur de la sobriété énergétique et pour que cette dernière soit installée, nous devons établir une grille de paramètres et un seuil de références de consommation qui pourra prendre la place du taux d’effort énergétique et travailler avec les différents systèmes liés au ménage.
L’objectif de cet article est de travailler d’abord sur la clarification de la définition de la sobriété énergétique pour ensuite travailler sur les inégalités de consommation et de trouver une équité entre utilité des consommations énergétiques et dépense énergétique.
Les consommations d’énergie des ménages en situation de précarité énergétique : contraintes et résistances.
Elsa LAGIER (CePeD ; GDF Suez/Innovation Gaz et Energies Nouvelles/CRIGEN ; DynamE)
Les phénomènes de précarité énergétique retiennent de plus en plus l’attention des pouvoirs publics et des acteurs privés, dans un contexte marqué par l’injonction aux économies d’énergies et l’augmentation des coûts de l’énergie. Ainsi, la Direction de la Responsabilité Environnementale et Sociétale de GDF Suez cherche à adapter ses offres à destination des clients les plus vulnérables, tout en les accompagnant dans une démarche de maîtrise de leurs consommations.
Les outils mis en place cherchent à prendre en compte la complexité des logiques à l’œuvre dans la façon dont les ménages consomment l’énergie dans la sphère domestique. Cette complexité a été mise à jour grâce à une étude sociologique, reposant sur une méthodologie qualitative, que j’ai menée en 2014 pour le CRIGEN (GDF Suez). Des entretiens réalisés à domicile auprès de 15 ménages ont permis d’interroger la variété des pratiques énergétiques au regard de leur situation sociale objective et du vécu subjectif qu’ils en ont. Il s’est notamment agi de chercher à comprendre les arbitrages faits dans les choix de consommation en partant de ce constat : la gestion de l’énergie dans le foyer ne répond pas au modèle de l’homo economicus ; les plus précaires ne sont pas les plus économes. Comment comprendre que les pratiques s’éloignent parfois de l’objectif de réduction des factures ? Quelles autres rationalités sont à l’œuvre ?
A partir d’exemples, je propose d’interpréter les pratiques énergétiques de certains ménages comme des formes de « résistance » guidées par la préservation d’une représentation positive d’eux-mêmes et d’une autonomie mises à mal par les contraintes, injonctions et stigmatisations auxquelles ils doivent faire face.
L’accès à l’énergie est un révélateur de la dynamique des inégalités sociales. Les précaires énergétiques, au bas de la hiérarchie sociale, construisent leurs pratiques énergétiques en réaction à cette position, qu’il s’agisse de revendiquer une aide sociale perçue comme légitime, de critiquer des normes édictées par d’autres, de préserver un confort par de la « sur-consommation », etc.
MOTS CLÉS :précarité énergétique, pratiques énergétiques, normes sociales, résistances, stigmatisation.
Eduquer les « précaires énergétiques » à la maîtrise de la demande d’énergie : une ineptie ?
Johanna LEES (Centre Norbert Elias)
A l’intersection des politiques du logement, des enjeux du développement durable, de la ville et du social, la « précarité énergétique » fait figure de problème social, aujourd’hui à l’ordre du jour de l’agenda politique en France. Dans cette communication, grâce à l’analyse des dispositifs d’éducation à la maîtrise de l’énergie que nous nommons pour notre part « dispositif d’éducation au comportement énergétiquement correct », nous chercherons à établir comment ces dispositifs situés socialement peuvent apparaître paradoxaux ou décalés aux yeux de leurs « publics cibles ». En second lieu, la communication cherchera à montrer que ces dispositifs à destination des plus pauvres participent d’une nouvelle forme d’hygiénisme contemporain. Enfin, elle aura pour objectif d’éclairer comment sont perçus ces dispositifs par ceux qui les pratiquent (travailleurs sociaux et publics cibles) et par là même de montrer qu’ils sont inappropriés considérant les conditions matérielles d’existence de leurs destinataires.
MOTS CLÉS : Précarité énergétique, hygiénisme, énergie, consommation, confort, logements dégradés.
Représenter les situations de la précarité énergétique.
Bruno MARESCA (CREDOC)
Stéphanie LACOMBE (photographe indépendante)
La communication présentera une série de photographies de grande qualité, assortie d’un éclairage sociologique présentant un éventail de situations. La série des situations retenues donnera à voir le cadre de vie des personnes concernées par la précarité énergétique, ainsi que l’adaptation de ces personnes pour y faire face. La communication s’appuie sur des entretiens éclairant les effets de la précarité énergétique dans la vie quotidienne et sur une approche photographique produisant une représentation parlante de ces situations. L’ambition est de montrer des personnes aux prises avec des conditions d’habitat sans confort, de rendre sensible leur adaptation et leur expérience de ces situations, dans lesquelles l’insuffisance de chauffage induit une cascade de difficultés quotidiennes.
MOTS CLÉS : précarité énergétique, mal logement, sociologie, photographie, représentation.
« Être économe », une pratique sociale : la culture à l’épreuve des économies d’énergie.
Fanny PARISE (Doctorante à l’Université Paris Descartes/Anthropologue freelance/Solidar’Energie)
La précarité énergétique n’est pas unique. Elle est plurielle. Corrélée à la diversité des pratiques habitantes, en saisir le « sens » équivaut à dresser un « état des lieux » de la diversité des pratiques habitantes en matière de pratiques MDE.
Les pratiques énergétiques des ménages représentent une construction socio-culturelle. L’observation ethnographique des usages in situ des habitants éclaire sur les modes de vie, les croyances et les contraintes matérielles avec lesquels doivent composer les individus. Des réponses partielles existent déjà à l’échelle des territoires pour lutter contre la précarité énergétique, comme l’installation de compteurs « intelligents » en résidences sociales où les habitants sont accompagnés par des structures locales qui transmettent « les bonnes pratiques MDE » grâce à des supports de communication ou des « conseils énergie ». Notre travail de terrain révèle que le changement de pratiques habitantes nécessite non seulement l’apprentissage de pratiques « plus économes », mais également leur intégration au sein d’un système de valeurs qui fait « sens » pour l’individu.
Nos travaux mettent en perspective la dimension holistique des pratiques d’économie d’énergie. Des hypothèses de terrain émergent des entretiens et des observations réalisées en région Rhône-Alpes et à Paris Petite-Couronne : éteindre la lumière lorsque l’on quitte une pièce, augmenter le chauffage jusqu’à atteindre un niveau de confort satisfaisant, choisir le type d’appareils électriques du foyer et ses pratiques d’utilisation représentent un acte social, un acte symbolique. Ces pratiques qui sont socialement construites et situées s’intègrent au sein d’un ensemble de contraintes contextuelles, environnementales et matérielles. Différents facteurs conditionnent les pratiques énergétiques des ménages comme le statut d’occupation (locataire, propriétaire, résident de foyer), le taux d’occupation (personne seule ou ménage), le lieu d’habitation (ville centre, périurbain, campagne), le type d’habitat (habitat individuel, intermédiaire, dense, léger), l’ancienneté du logement et les normes de construction (habitat ancien, « passoire énergétique », construction aux normes RT 2005 – 2012, BBC), mais également le type d’équipements énergétiques du logement, le niveau d’ancienneté et la classe énergétique des objets présents au sein du domicile, le niveau de connaissance des « bonnes pratiques énergétiques », les pratiques réelles des usagers ainsi que la sociabilité de l’individu (isolé, socialisé, engagé). A l’échelle micro-individuelle, d’autres facteurs ont également une répercussion sur les pratiques énergétiques des habitants, comme l’état physique ou psychologique de l’individu, les cycles de vie (être en âge de travailler, être à la retraite, avoir une activité quotidienne (à l’extérieur ou à l’intérieur du domicile) ainsi que les ressources économiques (dépenses contraintes, reste-à-vivre).
Le collectif de réflexion Solidar’Energie, qui valorise la lutte contre la précarité énergétique à l’échelle territoriale, interroge la diversité des pratiques énergétiques pour apporter une réponse globale et un outil d’aide de gestion territoriale de la précarité énergétique. A travers son approche transversale, ce collectif mobilise la sociologie de l’énergie comme levier possible à la compréhension des enjeux, des usages et des pratiques de l’énergie.
MOTS CLÉS : économie d’énergie, culture, sens, diversité, précarité.
SLIME, un outil territorial d’identification des ménages en précarité énergétique.
Bouchra ZEROUAL (CLER, Réseau pour la transition énergétique)
Le CLER s’est appuyé sur l’étude « Analyse sociotechnique comparée des dispositifs de réduction des situations de précarité énergétique et construction de stratégies d’intervention ciblées » produite dans le cadre du programme PREBAT ADEME-PUCA pour déployer les SLIME, ou Services locaux d’intervention pour la maitrise de l’énergie. Le dispositif, destiné à massifier le repérage des ménages en précarité énergétique, est déployé dans vingt-quatre collectivités en France.
Un SLIME constitue un guichet unique local de prise en charge de toutes les situations de précarité énergétique, quel que soit le statut d’occupation des ménages. Il a vocation à :
• centraliser vers une plateforme unique (physique et/ou téléphonique) les signalements de ménages modestes qui rencontrent des difficultés liées à l’énergie dans leur logement
• réaliser un diagnostic sociotechnique au domicile du ménage pour comprendre la situation, installer des petits équipements d’économie d’énergie.
• encourager tous les acteurs du territoire à même de proposer aux ménages des solutions durables, à se connaître, à dialoguer, à s’organiser autour de cette plateforme, afin de pouvoir orienter les familles vers les pistes d’action les plus adaptées à leur situation.
Les premières estimations (basées sur 317 ménages et qui seront mises à jour début 2015) montrent que les ménages sont repérés aux deux tiers par les travailleurs sociaux, et orientés vers des solutions de travaux et une pléthore d’acteurs (domaine social, énergie, accompagnement budgétaire…).
En 2013 et 2014, près de 4000 visites ont été programmées chez des ménages en précarité énergétique, en 2015 ce sont 3000 ménages supplémentaires qui devraient bénéficier de ce dispositif.
MOTS CLÉS : Précarité énergétique, visite à domicile, organisation territoriale, identification des ménages, collectivités.
Distribution de la demande: ce qui est nécessaire, ce qui est normal et le sous-utilisé.
Gordon WALKER (Lancaster University / DEMAND Centre, UK)
L’énergie est distribuée physiquement à travers les fils, les transformateurs électriques et les convertisseurs du réseau ; pourtant elle est en même temps distribuée à travers les idées, les actions et les indicateurs d’une politique de pauvreté d’énergie. L’idée abstraite d’un ménage pauvre en énergie, inventée par l’État, est basée sur une formule d’ « énergie requise» suffisante pour vivre normalement sans dépasser les moyens financiers – un calcul qui est à la fois plein de, et privé de, contenu normatif. Le nécessaire et le normal coexistent dans ces formules, donnant vie à ce phénomène de « sous-utilisation » (ou ménages sous-exigeants) qui invite à, mais aussi empêche, une explication facile. Les effets déroutants et performatifs de la distribution de la demande, qui créent des sujets problématiques, seront traités.
MOTS CLÉS : demande énergétique, pauvreté en énergie, formules, besoin, normalité.