AXE TRAVAIL ET GROUPES PROFESSIONNELS
La fabrique de l’expertise énergétique chez les auto-réhabilitateurs en milieu rural.
Ignacio REQUENA-RUIZ (ENSA/CERMA/Ambiances architecturales et urbaines)
Céline DROZD (ENSA/CERMA/Ambiances architecturales et urbaines)
Kévin MAHÉ (ENSA/CERMA/Ambiances architecturales et urbaines)
Daniel SIRET (ENSA/CERMA/Ambiances architecturales et urbaines)
Au regard de l’évolution des critères de confort et des nouvelles projections du chez-soi liées aux enjeux de l’énergie, les pratiques de construction directement menées par les habitants ne cessent de se développer. Comparées à la construction de logements performants et à la rénovation énergétique de l’habitat qui sont l’objet de nombreuses études et actions, ces expériences restent peu étudiées. Notre équipe conduit actuellement une recherche axée sur l’auto-réhabilitation en milieu rural , une pratique habitante qui convoque des activités provenant aussi bien de la sphère pragmatique de l’habitat (de l’entretien à l’auto-construction) que de la dimension personnelle de la construction du chez-soi (du bricolage à l’aménagement intérieur). Plus précisément, notre travail tend à mettre en évidence la place actuelle de l’énergie dans la fabrique de l’expertise des auto-réhabilitateurs.
La communication proposée présentera les résultats de cette recherche portant sur une analyse des stratégies des auto-réhabilitateurs pour aborder les enjeux énergétiques pour la construction du chez-soi. Un ensemble de 11 projets d’auto-réhabilitation à différents stades d’avancement a été étudié. La recherche révèle comment les auto-réhabilitateurs constituent de manière individuelle tout un réseau d’acteurs amateurs et professionnels pour l’échange de connaissances et de compétences, et quelles représentations ils se font de l’efficacité énergétique et du confort thermique dans leur habitat.
La méthode de recherche est basée sur l’analyse des récits des habitants durant les différentes étapes de fabrication de leur expertise et d’avancement du chantier. A partir d’entretiens semi-directifs, le discours se déclenche en trois temps : le récit par les souvenirs, le parcours commenté dans la maison et le récit détaillé en prenant appui sur des documents personnels (photos, factures, croquis, plans,…). De plus, il a été mis en avant que plusieurs phases sont abordées : la gestation du projet et les choix initiaux, l’apprentissage de la technique et les enjeux de la mise-en-œuvre, la maîtrise de l’énergie dans la maison, l’entretien de la maison et le renouvellement des systèmes.
MOTS CLÉS : auto-réhabilitation ; expertise en énergie ; pratiques habitantes ; maîtrise de l’énergie.
L’industrialisation du système de construction écologique: métiers et activités professionnelles émergentes.
Daniele DI NUNZIO (Association Bruno Trentin –ISF-IRES, Italie)
Emanuele GALOSSI (Association Bruno Trentin –ISF-IRES, Italie)
Serena RUGIERO (Association Bruno Trentin –ISF-IRES, Italie)
La transition vers une économie verte conduit à une transformation non seulement des modèles d’organisation de la production et du travail, mais aussi des catégories d’emploi traditionnelles. Les processus d’innovation technologique durable enrichissent les activités de travail de nouvelles significations et de nouveaux contenus. Ils exigent aussi une adaptation continue de l’ensemble des compétences requises, favorisant ainsi la diffusion de profils qui doivent progressivement redéfinir leurs savoirs et pratiques.
En particulier, la nécessité de décliner la profession en conformité avec les principes de la durabilité, d’un côté, détermine une croissante demande d’emplois spécialisés et la nécessité d’une mise à jour constante des compétences requises et, d’autre part, induit à franchir le seuil rigide de leur périmètre technique-spécialisée pour incarner des valeurs et des sensibilités de caractère plus systémique et transversal, à partir de celle pour l’environnement.
Dans cette contribution, nous explorons les frontières existantes entre les groupes professionnels «nouveaux» ou «traditionnel» dans le domaine de l’économie verte afin d’aider à la définition des compétences et métiers verts émergents.
Nous présentons les principaux résultats d’une enquête sur les changements produit par l’industrialisation du système de construction écologique sur les métiers et les professions traditionnelles. L’étude met en évidence la correspondance entre les changements du cycle productif dans l’industrie du bâtiment et la structure des compétences. Notamment, la construction écologique conduit à des nouvelles relations entre l’industrie et le chantier, entre la production artisanale et industrielle, avec des répercussions sur tous les groupes professionnels.
MOTS CLÉS : Transition énergétique, constructions écologiques, innovation, emplois écologiques, développement durable.
Les professionnels du bâtiment face à l’enjeu de performance énergétique : des recompositions des savoirs, compétences et pratiques en question.
Géraldine MOLINA (docteur en Géographie, Aménagement de l’espace – Urbanisme ; post-doctorante à École Centrale de Nantes /IRSTV CNRS 2488)
Marjorie MUSY (docteur en génie civil ; chercheur au CERMA /ENSAN – UMR CNRS 1563, Directrice adjointe de l’IRSTV.
Notre contribution propose d’explorer la fabrique concrète de la performance énergétique à l’échelle du bâtiment et se situe donc au point de rencontre de problématiques relevant de la sociologie de l’énergie, de la sociologie des professions et de la sociologie du travail. Il s’agit d’interroger la manière dont les acteurs de la chaîne du bâtiment se saisissent de cet enjeu de la performance énergétique et tentent de l’intégrer dans leurs pratiques professionnelles. Ce sont donc les logiques de renouvellement des savoirs et savoir–faire professionnels, les dynamiques d’apprentissage qui sont mises en question : quels sont les problèmes, les verrous que ces acteurs rencontrent sur le terrain et quelles sont les ressources qu’ils mobilisent pour faire évoluer leurs compétences et conjuguer cet impératif de la performance énergétique avec d’autres enjeux de la production des bâtiments ? Comment l’injonction à la performance contribue-t-elle à faire évoluer les territoires des professionnels engagés dans la fabrication et la gestion des bâtiments (métiers traditionnellement présents, arrivée de nouveaux acteurs, etc.) ? Quelles dynamiques interprofessionnelles de concurrence et de coopération s’observent entre ces acteurs ? Comment le point de vue des habitants, leurs modes de vie et leurs usages de l’énergie sont-ils intégrés par les fabricants et gestionnaires des bâtiments ?
Pour apporter des pistes de réponse à ces questionnements, nous présenterons les résultats d’une enquête exploratoire menée en France sur un échantillon de professionnels réputés « innovants », « pionniers », « exemplaires » en matière de performance énergétique (c’est-à-dire identifiés comme tels par leurs confrères et les autres professionnels avec lesquels ils interagissent) et qui appartiennent à différents maillons de la chaîne du bâtiment (maîtres d’ouvrage, maîtres d’œuvre, concepteurs, artisans, acteurs de la maintenance, etc.). L’analyse de leurs trajectoires et démarches individuelles, de leurs retours réflexifs sur leur production, et de leurs stratégies de positionnement sera mise en perspective avec les résultats d’autres enquêtes récentes menées sur des professionnels plus « ordinaires ». Il s’agira ainsi de fournir des clés de lecture sur les situations et contraintes de travail effectives, d’identifier les caractéristiques des pionniers et les facteurs facilitant l’évolution des compétences professionnelles et l’intégration de question des modes d’habiter dans le travail des professionnels autour de la performance énergétique.
MOTS CLÉS : situations de travail, dynamiques interprofessionnelles, malaise professionnel, ressources, approche multicritères.
Dépendance, indépendance et interdépendance : une lecture socio-agronomique de l’engagement (ou non) des agriculteurs biologiques dans la transition énergétique.
Sabine GIRARD (UR Développement des Territoires de Montagne, Irstea Grenoble)
Hugues VERNIER (Communauté de communes du Val de Drôme / Biovallée).
Le développement de l’agriculture biologique (AB) apparait dans de nombreux scénarios prospectifs comme un facteur clef de la transition énergétique des territoires ruraux, en raison de la non-consommation de fertilisants chimiques, mais également au regard des évolutions des modalités de relations entre l’agriculture, la nature et la société qu’il peut induire. Une telle transition suppose l’évolution des pratiques des agriculteurs et plus généralement des acteurs des systèmes agri-alimentaires. Cependant, les conditions et les processus de tels changements sont très peu documentés, alors que cette connaissance est requise par les pouvoirs publics pour concevoir des leviers d’action.
Cette étude exploratoire vise à mieux comprendre l’évolution des pratiques de gestion de l’énergie des agriculteurs en mode de production biologique : comment advient le changement et pour quelles raisons ? Elle répond à la demande opérationnelle d’une collectivité locale qui s’interroge sur la façon d’accompagner la transition agro-énergétique de son territoire (vallée de la Drôme-Biovallée). De multiples trajectoires et une diversité de raisons conduisent à l’engagement d’exploitants dans l’agriculture biologique. Le passage à l’AB peut constituer un simple ajustement des pratiques productives ou bien être vécu comme un changement radical de l’activité, du métier, du mode de vie de l’agriculteur. Qu’en est-il concernant la gestion de l’énergie dans un contexte d’injonction croissante à la transition énergétique ? L’étude vise en particulier : (i) à documenter la multiplicité des justifications des pratiques de gestion de l’énergie des agriculteurs ainsi que la diversité des trajectoires et des facteurs d’évolution de ces pratiques et (ii) à caractériser les tensions et les complémentarités entre les engagements dans l’agriculture biologique d’une part et dans la transition énergétique d’autre part. Pour ce faire, une enquête par entretiens semi-directifs a été menée auprès de vingt agriculteurs en mode de production biologique situés dans la Biovallée, concernant leurs parcours et leurs motivations personnels, les systèmes de pratiques au sein de l’exploitation agricole et leurs évolutions, les relations avec les filières et le territoire.
L’analyse des résultats est en cours. L’objectif de cette communication est de discuter de l’intérêt et de la pertinence des notions de dépendance, d’indépendance et d’interdépendance pour comprendre les processus et les conditions des évolutions de pratiques agricoles en matière énergétique. Cette clef de lecture permet en particulier d’explorer les articulations entre les espaces et les échelles de gestion de l’énergie tels qu’ils sont perçus et investis par les agriculteurs. Elle permet d’appréhender la façon dont les exploitants lient l’enjeu énergétique à un ensemble d’autres enjeux, dont ceux économiques, identitaires, écologiques. Elle permet enfin d’analyser les pratiques et les perceptions des agriculteurs en matière énergétique au travers du prisme plus large de l’évolution des rapports de l’individu au collectif, de l’homme à la nature, de l’agriculture à la société et à l’environnement.
MOTS CLÉS : énergie, agriculture biologique, perception, pratique, autonomie.
Les auxiliaires du marché de l’énergie, une approche par deux groupes professionnels du conseil en économie d’énergie.
Joseph CACCIARI (doctorant en sociologie Université Aix-Marseille / LAMES, UMR 73 05)
Dans cette communication, je m’intéresserai aux dispositifs visant à faire participer les ménages à la « transition énergétique » en termes de consommation d’énergie domestique. Si on définit la transition énergétique comme un déplacement du mix énergétique au profit de sources d’énergie non carbonées et d’une réduction des volumes consommés, il y a lieu de s’interroger sur l’intérêt que trouvent les industriels historiques du marché de l’énergie à s’y engager. En réalité, cet effet à la baisse des volumes consommés est accepté par ces acteurs dans la mesure où ils sont assurés de bénéficier d’un effet d’augmentation des prix et de la sécurisation de leur production, pérennisant ainsi la rente qu’ils tirent de leur activité. Cette situation n’est donc pas gênante pour eux, puisqu’ils gagneront là ce qu’ils perdront ailleurs. Pour faire accepter aux ménages cette baisse de la consommation pour une facture qui elle reste stable ou augmente, les opérateurs historiques du secteur de l’énergie et l’État français mettent en œuvre des dispositifs visant à augmenter leur consentement. Le signal prix est en effet insuffisant pour entraîner des changements dans les habitudes de consommation et faute de voir les volumes d’énergie consommés effectivement baissés, c’est la production qui pourrait être menacée de rupture.
Pour examiner ces dispositifs, j’ai choisi de comparer deux groupes d’auxiliaires du marché de l’énergie porteurs de conseils en économies d’énergie et en rénovation thermique au contact des ménages : des Conseillers info énergie et des médiateurs sociaux en énergie. Les premiers travaillent dans le giron de l’État, via la tutelle de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie. Ils s’adressent à des ménages issus des classes moyennes ou des classes aisées. Les seconds interviennent auprès des classes populaires ou des populations relevant régulièrement de l’assistance sociale. Ils sont salariés d’associations financées en partie par les industriels historiques du secteur de l’énergie. Ces deux groupes peuvent être apparentés à des « commerciaux » au sens où ils tentent d’augmenter le consentement des ménages à engager des rénovations thermiques de leur logement ou à payer des factures toujours plus élevées malgré parfois une baisse effective des consommations. Ces commerciaux participent volens nolens d’une action publique déléguée en matière de solvabilisation de la clientèle et de la gestion commerciale des changements en cours dans le marché de l’énergie. L’originalité de cette comparaison, réside dans le fait qu’elle mettra en évidence la division du travail de consentement entre l’État et les groupes industriels. On observera alors qu’à rebours d’une représentation spontanée l’État prend en charge les ménages sans difficulté apparente, alors que les industriels investissent auprès des populations fléchées comme en difficultés ou en risque de l’être. Mon argumentaire s’appuiera principalement sur des matériaux issus d’observations directes du travail de ces groupes professionnels.
MOTS CLÉS :énergie, consommation, consentement, groupes professionnels, marché de l’énergie.
Auxiliary of the energy market, an approach by two professional groups energy saving advice.
Joseph CACCIARI (University Aix-Marseille / LAMES)
The planed communication will deal with new mechanisms that have been created in order to make people, namely families, take an active part in the « energy transition » as regards the consumption of domestic energy. One main question raised involves the interests of the historical actors of the energy market, which are foremost the enterprises. Indeed, the energy transition may be described as an increase of non-carbon energy sources and a reduction in the volumes consumed. On the other hand, the same actors take advantage of a consistent price increase and of the State warranties on their production. Hence, their benefits are garantueed in a double way. They loose on one side, but win on the other, which makes them accept the decrease of energy consumption. The families on their part see their electric power bill increase or at least stay at the same level although they consume less. The French State aims at making them lessen their energy consumption, at making them change their habits, otherwise, the energy production might not be sufficient and break down. In order to increase the people’s consent, the actors of energy market and the French State implement certain mechanisms which shall be described in this article. In order to examine these mechanisms, I chose to compare two auxiliary groups of energy market wich support families with advice about energy saving and thermal renovations : the Conseiller info énergie and the Médiateur sociaux en énergie. The first of those actors work in the bosom of the French State, via the Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie. They address to middle-class families and better-off segments of society. The later are involved with the working classes or populations under regular social assistance. They are employees of organizations partly funded by historical industrial sector energy. These two groups may be described as « commercial » in the sense that they are trying to increase the household willingness to engage thermal renovation of housing or to pay ever higher bills despite an eventual decline in consumption. These commercials take volens nolens part in a delegated public action on solvency of customers and the commercial management of ongoing changes in the energy market. The originality of this comparison is to highlight the division of labor between the government and industrals groups in the framework of the energy consumption at the age of energy transition. We will show against a firmly view that the French government supports families without obvious problems, while industrial investment in people considered to have serious social problems or at risk. My argument will be based primarily on materials taken from direct observation of the work of these professional groups.
KEY WORDS : energy, consumption, professional groups, consent, energy market.