TRAVAIL ET GROUPES PROFESSIONNELS
La construction du bâtiment à hautes performances : quelles mutations organisationnelles pour les organismes Hlm ?
Farid ABACHI (Union Sociale de l’Habitat)
Depuis la Palulos (prime à l’amélioration des logements à usage locatif social) jusqu’aux récentes dispositions législatives (Grenelle de l’environnement, projet de loi sur la transition énergétique), soumis aux injonctions des réglementations thermiques successives et intégrant les démarches conduites dans le cadre des politiques de la ville (DSQ, HVS, PNRU…), les organismes Hlm ont conduit des opérations de réhabilitation de leur patrimoine, visant une amélioration significative des performances énergétiques et environnementales. Cependant, la mise en place du « bâtiment performant » a été en partie subie par les organismes Hlm, dans la mesure où l’évolution des performances a été appelée par celle de la réglementation (abaissements successifs des consommations maximales autorisées), et non pour répondre aux besoins et attentes des locataires – bien que dans le même temps, les bailleurs aient engagé des actions de maîtrise des charges locatives et des consommations énergétiques, après avoir constaté les difficultés croissantes des ménages à payer leur quittance. Si cette double entrée réglementaire et économique a dans un premier temps impacté les métiers de la maîtrise d’ouvrage (par la formulation des niveaux d’exigences et de rendement à atteindre et par la définition de nouvelles relations avec les autres acteurs du bâtiment), elle s’est progressivement étendue aux autres métiers (gestion patrimoniale, gestion locative et gestion sociale), en particulier par :
- La sélection d’équipements à installer, dont la multiplication et la complexité croissante ont nécessité une montée en compétence des collaborateurs et une reconfiguration des conditions d’entretien, pour l’atteinte des performances prévisionnelles et leur maintien ;
- la définition de prestations à inclure dans une offre locative sociale et les modalités de leur contrôle ;
- la prise en compte progressive de la place des habitants (actions d’accompagnement et de sensibilisation aux dispositifs de maîtrise de la demande en énergie).
Cette contribution propose de rendre compte des modalités de construction de la catégorie « bâtiment performant à haute maîtrise énergétique et à faibles consommations » dans le logement social, par l’analyse des relations entre acteurs (services internes, intervenants externes, groupes de locataires…), de leur positionnement respectif, de l’évolution observée des savoir-faire et des configurations organisationnelles mis en place au sein des organismes Hlm pour la réalisation d’opérations expérimentales (bâtiments passifs, à énergie positive, à faible empreinte carbone…), au regard des prochains objectifs et attendus réglementaires, sociaux et sociétaux (« bâtiment responsable » 2020…).
MOTS CLÉS : logement social, performances énergétiques, maîtrise des consommations, organisations, métiers.
Entre logiques de conception et d’occupation : les « acteurs intermédiaires » de bâtiments tertiaires performants
Sarah THIRIOT (doctorante en sociologie – UMR PACTE, Grenoble ; EDF R&D – GRETS)
Le parc de bâtiments tertiaires français est visé par un ensemble d’outils de politiques publiques (réglementation thermique, contrat de performance énergétique, annexe verte) pour favoriser la réduction des consommations énergétiques. Ces dispositifs entraînent des mutations complexes, qui touchent aussi bien les investisseurs et les professionnels du bâtiment que les occupants. Face aux difficultés à atteindre les objectifs de performance énergétique, les acteurs opérationnels (société foncière, maîtrise d’ouvrage, maîtrise d’œuvre, assistance à maîtrise d’ouvrage…) cherchent à faire évoluer leurs compétences et l’organisation des projets immobiliers durant les phases de conception et de mise en œuvre des travaux. Mais au sujet de la phase d’exploitation et de ses surconsommations d’énergie, c’est souvent la seule figure de « l’occupant » qui est exposée comme facteur d’imprévisibilité et de perturbation irrationnelle face à une approche techniciste du bâtiment.
La communication propose, en mobilisant la notion « d’acteurs intermédiaires », de mettre en lumière des professionnels qui participent à la phase d’occupation du bâtiment : c’est le cas des gestionnaires techniques qui effectuent la maintenance et des aménageurs d’espace de travail. Ces deux activités, dont la place est peu institutionnalisée dans le système d’acteurs de la conception du projet, façonnent pourtant très largement l’environnement de travail quotidien des occupants (réglage des systèmes de chauffage et ventilation, formalisation des espaces, etc.). Les évolutions en faveur de la performance réelle (CPE) et des certifications « en exploitation » (Breeam-In-Use, NF HQE Bâtiments Tertiaires en Exploitation) semblent d’ailleurs plaider pour une revalorisation de ces métiers.
Derrière des problématiques étudiées au prisme des occupants, comme le confort, la communication montre l’intérêt d’opérer une remontée des questions d’usages vers une approche organisationnelle du projet de performance énergétique autour de ces professionnels peu étudiés. Ils apparaissent pleinement comme des acteurs intermédiaires, à l’interface entre différentes logiques d’usagers du bâtiment (constructeur, architecte, société foncière, occupant) et différentes logiques organisationnelles (conception, usage), qui peuvent se trouver en tension. Cette perspective invite à comprendre les enjeux que ces activités représentent pour l’atteinte d’une performance réelle et l’appropriation des bâtiments tertiaires performants.
Ce travail s’appuie sur l’étude qualitative de plusieurs bâtiments de bureaux « performants » (observations et entretiens), et permet une analyse des liens entre conception, maintenance et occupation dans la compréhension de l’occupation d’un bâtiment performant.
MOTS CLÉS : Performance énergétique, bâtiment tertiaire, division du travail, occupants, acteurs intermédiaires.